Entête

GAUGUIN VAN GOGH

 

Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs
75006 Paris

Jusqu'au 16 novembre
Du mercredi au samedi à 18h30
Dimanche à 15h

 

loupe

 

Gauguin - Van Gogh : une confrontation brillantissime !

 

Quel feu d’artifice éblouissant nous offrent Cliff Paillé et David Haziot, auteurs de cette superbe confrontation lors de « La coloc la plus fébrile de l’Histoire de l’art », entre deux monstres sacrés de la peinture du XIXe siècle qui ont inventé, sans le savoir, les bases de l’art moderne ! Un magistral et beau défi que cette restitution en quatre-vingt-dix minutes, avec la plus grande vérité historique, de ces neuf semaines incandescentes… Un ravissement esthétique pour les yeux et l’esprit !

23 octobre 1888. Van Gogh est dans sa maison jaune d’Arles où fébrilement et avec joie il se prépare à accueillir son ami Gauguin pour échanger leurs expériences, unir leurs recherches avec le rêve, aussi, de fonder là, en Provence, une maison d’artistes !

Commence alors un dialogue, un duo, un duel, un affrontement, une lutte des plus fascinants entre deux personnalités opposées, entre deux conceptions antagonistes de la création, avec des joutes verbales somptueuses, aux accents ignés, atteignant le sublime… Pour Gauguin, la peinture doit naître de la pensée, Van Gogh, lui, essaie de peindre comme on écrit, en premier jet, sans trop penser… Il se sent en symbiose avec la nature pour lui caresser le cerveau :
— J’ai besoin de sentir sa force, sa pérennité, sa majesté. J’ai besoin d’elle et de lui être fidèle. Gauguin préfère l’odeur de son atelier !

Puis viennent leurs visions différentes des couleurs : tous ces jaunes à côté des bleus, trop violents pour Gauguin qui cherche plus de nuances, plus de subtilité ; il ne comprend pas d’où sort cette frénésie des couleurs qui n’ont rien à voir avec la réalité ; son ciel est vraiment trop jaune ! Van Gogh se révolte : de la couleur pure, authentique
— C’est mon réalisme ! 
Ah, ce rapport au Réel et sa dialectique avec l’imaginaire !...
— Produire des choses puissantes suppose de la brutalité, de la sauvagerie que l’art doit libérer alors que la société nous pousse à l’étouffer ! Affirme Gauguin.
— Laisser une forme d’inachèvement, ne nous emporte-t-il pas vers l’infini des possibles ? Modère Vincent qui commence à douter et à déprimer car son frère Théo vend les toiles de Paul et aucune des siennes… Trop de divergences, trop d’incompréhensions dans leurs manières de peindre et de vivre, aussi !

Leur relation se dégrade et les disputes deviennent de plus en plus violentes.

Vincent se trouve « médiocre, laborieux, minable, un étron… » et pense que son ami est devenu son ennemi :
—Tu me hais. Tu fais ces tableaux parce que tu ne peux pas me taper dessus. Mais vas-y, vas-y, tape ! 
Paul : — Tu perds complètement la tête…
— Pars, pars ! Et puis t’iras raconter qui je suis !... Crache-moi dessus ! Dis-leur que c’est l’enfer ici, vas-y, allez !

Á l’issue d’une ultime et violente altercation, Van Gogh se retrouve abattu, hagard après le départ définitif de Gauguin, seul dans un silence assourdissant. Tout à coup, musique lunaire dont le volume monte ; il déambule dans l’atelier dévasté, le fauteuil renversé, il est pris d’une crise de panique, voit le pain sur le sol avec son grand couteau, éclair fulgurant de la lame qui déchire la pénombre… Rideau !

Un spectacle puissant, un torrent d’émotions bouleversantes porté par deux comédiens exceptionnels : William Mesguich qui campe un Van Gogh aussi halluciné qu’attachant et Alexandre Cattez qui magnifie avec délice et vigueur le caractère sybarite de Gauguin.

Il faut absolument venir assister à ce moment de grâce théâtral où passe le souffle enivrant de deux Êtres d’exception qui transcendent la réalité de façon si poignante et si profonde que cela ressemble, à s’y méprendre au… Génie !

Anne Revanne

 

Gauguin Van Gogh

de Cliff Paillé, David Haziot
Mise en scène : Cliff Paillé, Noémie Alzieu

Avec : Alexandre Cattez, William Mesguich