PIERRE EMONOT pour FACE AU PEUPLE
Pierre Emonot, bonjour et bienvenue sur Regarts.org, vous étiez au Théâtre de l’Ange d’Avignon durant la dernière édition avec votre spectacle « Face au peuple », tout d’abord pour nos lecteurs qui êtes-vous ?
Bonjour, et merci pour cette interview ! Je suis auteur, chroniqueur et humoriste avant tout, avec un goût démesuré pour l’ironie et les petites phrases piquantes.
Pourquoi ce titre de « Face au peuple » qui fait très politique ?
La réponse est un peu dans votre question : le spectacle parle entre autres de politique, alors, c’était un moyen de m’en amuser. Quand on me voit arriver sur scène, je fais davantage penser à Gérard Larcher qu’à Gad Elmaleh, alors je me suis dit qu’il fallait en faire quelque chose. Et il y a une deuxième raison : je trouve que dès qu’on monte seul sur scène, il y a quelque chose d’un peu mégalo qui émane. J’ai voulu justement parodier cette mégalomanie.
Tiré de la première version datant de 2023, peut-on dire que c’est un spectacle évolutif et dans l’air du temps ?
Je l’espère en tout cas ! Dans tous les cas, ce spectacle évolue toujours : sans qu’on sache bien pourquoi, une blague fait beaucoup rire un jour et pas le lendemain. Il y a toute une partie « actualités » dans le spectacle, alors bien entendu, je suis obligé de me renouveler constamment. Les traits d’esprit sur le confinement marchent étonnamment beaucoup moins bien depuis quelques temps.
Qui est ce Pierre Emonot que vous incarnez sur scène qui est à la fois tellement détestable et tellement attachant ?
Je dirais que c’est quelqu’un fait de contradictions : à la fois élégant et maladroit à la fois, parfois piquant et subtil, et je dirais surtout qu’il est grand temps qu’il fasse un petit régime.
Dans le spectacle vous citez de nombreux auteurs et personnalités, quelles sont vos références ?
Les philosophes de notre temps. Pascal Praud, Cyril Hanouna, Manuel Valls.
Et plus sérieusement, même si c’est la réponse la plus tarte à la crème du monde, je suis très fan de Desproges, pour son style si virevoltant. J’admire Blanche Gardin, François Rollin ou Guillermo Guiz. Et j’ai aussi un petit goût snob pour le second degré délicat de Stendhal.
Vous avez été chroniqueur durant deux ans sur Vivre Fm, dans quelle mesure cette expérience vous a-t-elle servie dans l’écriture de « Face au peuple » ?
Le travail et l’effort tout simplement ! La chronique est un exercice d’écriture permanent : on n’a rien, il n’y a rien de bien intéressant dans l’actu du jour, et pourtant il faut faire rire. C’est là qu’on commence à savoir un peu écrire.
Spectacle corrosif, provocateur, intelligent sur notre société, qu’est qui vous interpelle le plus dans celle-ci ?
Oh tellement de choses ! Si je peux en citer quelques-unes, je dirais d’abord une certaine confusion intellectuelle. La droite se dit désormais de gauche, la gauche est la droite, on a perdu beaucoup de repères. Quand j’étais enfant, je me souviens que c’était facile : on votait à droite, et le Parlement mettait en place des lois de droite ; ou alors on votait à gauche, et le Parlement mettait en place des lois de droite. C’était simple !
Un autre élément qui me frappe, c’est la nostalgie qui s’empare de nous, notamment sur le plan culturel. On a une vision du monde très tournée vers le passé, on aime se dire que « c’était mieux avant ». On a quand même eu Monte-Cristo comme grand succès au cinéma l’année dernière, et ce, malgré Pierre Niney qui nage un crawl impeccable après 20 ans de réclusion dans son fort. J’ai l’impression que face à avenir qui fait peur, notre époque aime se réfugier dans les références du passé.
Par moment « Face au peuple » flirte t il avec le vécu ?
Oh toujours ! C’est particulièrement vrai dans certaines interactions avec le public : à un moment donné, ce qui compte, c’est la sincérité du moment et la spontanéité de l’instant, quand la barrière de la scène s’efface.
Selon vous vraiment « on ne peut plus rien dire » ?
Je m’inscris complètement en faux à ce sujet ! D’ailleurs ceux qui ânonnent cela sont souvent les premiers censeurs.
L’humour a évolué, c’est certain. Il y a de plus en plus d’humoristes différents, il y a eu une libération de la parole sur beaucoup de thèmes (la sexualité ou le racisme par exemple). En revanche, évidemment, certains lieux et médias se prêtent plus ou moins à la liberté de ton. A chaque espace médiatique son niveau de liberté. C’est aussi pour cela qu’il faut aller voir les artistes en spectacle : c’est là qu’ils sont les plus libérés.
Et ça remplit beaucoup mieux leur compte en banque…
En vous remerciant, d’après vous, dès le début du spectacle vous parlez d’«ironie cruelle » et de « satire percutante », mais ne sont-elles pas elles qui nous font « rire de tout, de tous et de surtout de soi même » ?
J’aime bien votre idée de rire de soi-même. C’est la première exigence. Je ne crois pas qu’on puisse avoir une plume satirique si elle ne nous tâche pas d’abord nous-mêmes.
Propos recueillis par Jean-Davy Dias
Mis en ligne le 1er septembre 2025
DERNIERS ARTICLES