Entête

LA MÉNAGERIE DE VERRE

 

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 Paris
01 44 85 40 40

Jusqu’au 22 décembre 2022
Du mardi au vendredi à 20h
Le samedi à 15 et 20h
Le dimanche à 15h

 

La Ménagerie de Verre loupe

 

 

« Présenter la vérité sous l’apparence plaisante de l’illusion », c’est ce que fait Tom, le narrateur-personnage de l’œuvre autobiographique de Tennessee Williams. Dans ce texte, le dramaturge américain revient sur sa jeunesse et la difficulté qu’il avait à être lui-mêm, coincé entre la maison familiale et ses désirs d’aventure.

Nous sommes à Saint-Louis dans les années 1930, Amanda vit seule avec ses deux enfants – le père, dont on devine les portraits sur les murs de la maison, les a abandonnés. L’amour dévorant et angoissant qu’elle porte à Laura et Tom la pousse à s’inquiéter de façon irrationnelle. D’une part, il faut absolument trouver un galant à la trop solitaire Laura, dont le personnage fait écho à Rose, la sœur du dramaturge, diagnostiquée schizophrène. De l’autre, il faut empêcher Tom de devenir alcoolique, dont les longues soirées au cinéma éveillent les soupçons.

La première moitié du spectacle est centrée sur ce noyau familial tandis que dans la seconde, un personnage est invité à dîner. C’est Jim, il travaille à la fabrique de chaussures avec Tom, sa voix faisait chavirer Laura au lycée et Amanda croit de toutes ses forces qu’il est l’homme idéal pour Laura.

Cette adaptation d’Ivo Van Hove insiste sur les failles et les liens des personnages. Isabelle Huppert campe parfaitement cette mère étouffante rongée par la nostalgie d’une époque où les prétendants se pressaient à son portillon. Virevoltant dans une robe de tulle, elle passe du rire au désespoir en un instant, tel que nous le dit la chanson « La mer » qu’on voit danser – mais ne serait-ce donc pas plutôt « la mère », et ses reflets changeants ? Antoine Reinartz, Tom, est le personnage de l’entre-deux, souvent sur l’escalier qui conduit vers la sortie, en permanence sur le seuil, entre la maison et le monde extérieur : il apparaît comme perdu entre l’affection qu’il porte à sœur et son envie de fuir. Tim, interprété par Cyril Gueï, est le galant tant attendu par Amanda : il séduit tous les personnages par sa gentillesse, sa bonne humeur et l’optimisme qui l’habite grâce à ce mystérieux cours d’expression orale dont il ne cesse de vanter les bienfaits. Quant à Laura, elle est fascinée par son monde peuplé de petits animaux de verre et Justine Bachelet lui donne vie avec une belle justesse : elle apparaît touchante de timidité, ingénue mais aussi perspicace, attentive et tendre. La version d’Ivo van Hove introduit un élément qui ne semble pas faire partie de la pièce originale : la question de l’inceste. Même si cela n’est pas clairement dit – le mot n’est pas prononcé –, comment ne pas y penser lorsque Laura se met à chanter L’Aigle noir de Barbara. Est-ce trahir le texte original et par là même la « vérité » de la pièce de Tennessee Williams ? Difficile d’y répondre de façon tranchée, mais quoi qu’il en soit, l’interprétation de Justine Bachelet transmet un tel frisson que le rideau pourrait tomber à ce moment-là. Une pièce tout en délicatesse et fragilité, à l’image de la petite licorne de verre.

Ivanne Galant

 

La Ménagerie de Verre

de Tennessee Williams
Mise en scène : Ivo van Hove

Avec : Isabelle Huppert, Justine Bachelet, Cyril Gueï, Antoine Reinartz

Traduction française: Isabelle Famchon
Dramaturgie: Koen Tachelet
Scénographie, lumière : Jan Versweyveld
Costumes: An D’Huys
Son et musique: Georges Dhauw