O.R.N.A. ET SI VOTRE DERNIER LIEN AU MONDE ÉTAIT UNE IA ?
Théâtre « La Luna »
1 rue Séverine
84000 – Avignon
Jusqu’au 26 juillet
à 13h05
Relâche les mercredis
Souvent il se dit que le théâtre, la création d’une pièce de théâtre permet de tenir un miroir au peuple. De par son contenu, de sa critique sociétale, de sa capacité à se moquer du monde, voire des mondes.
Un Shakespeare, un Feydeau et même un Eschyle ou d’autres tragédies grecques, ont rempli et remplissent encore ce rôle. Tenir un miroir pour que le spectateur se voie. Se pose des questions sur ce qu’il est capable de voir. Et de comprendre. Mais il arrive aussi que l’auteur dramatique, ou celle ou celui qui assure la mise en scène possède cette volonté de miroir et que le spectateur n’arrive pas à voir. N’arrive pas à bien regarder. À bien comprendre. Serait-ce parce que le miroir est devenu opaque ou alors s’est-il brisé en route ? Ou parce que le monde est devenu tellement difficile à comprendre que même le meilleur miroir au monde n’arrive plus à le rendre compréhensible. Ou visible.
Ce qui m’est arrivé, assistant au spectacle O.R.N.A, par la compagnie Les Bicéphales. J’ai eu du mal à comprendre où le texte et la mise ont voulu amener le spectateur. Quelle était la dénonciation ce qui va de travers ?
Imaginez-vous un homme âgé, d’une certaine classe, d’un certain niveau intellectuel, qui vit seul et dont le seul contact avec sa famille consiste en une visio avec sa petite fille. De temps en temps.
Une aide à domicile vient régulièrement pour faire le ménage, préparer les repas et changer son linge. Mais cette femme est débordée et le fils de l’homme ne trouve rien de mieux qu’engager les services d’une entreprise qui met à disposition une humanoïde. Un robot sous la forme d’une femme. Docile et obéissante mais qui ne peut qu’exécuter les tâches pour lesquelles elle a été programmée. Avec donc une opposition entre un humain dont le mémoire commence à se perdre et un robot qui n’en a aucune. Du moins une mémoire humaine.
L’auteure de cette pièce essaie d’expliquer que la société évolue dangereusement et que l’Intelligence Artificielle qui commence à pénétrer dans toutes les domaines de notre société est dangereuse car annihilant notre propre jugement et notre propre volonté d’action. C’est louable comme tentative mais il n’en reste pas moins que la manière dont cette problématique nous est présentée passe difficilement.
Les effets de sonorisation et d’éclairage, pour moi, sont plutôt des éléments perturbants et ne soulignent pas vraiment les intentions de la mise en scène et le jeu des acteurs qui, du moins c’est mon impression, luttent contre ces effets qui se veulent une sorte de renforcement de l’idée de ce monde régie par l’IA et l’informatique. Les passages où l’on montre une sorte de jeu télévisé en direct, ou d’autres moment de la télé, sont pour moi, peu en adéquation avec la thématique.
En revanche, le jeu des acteurs est, malgré tout, parfaitement synchrone avec le texte et avec l’enjeu voulu par la thématique. Surtout Nicolas Moreau, qui joue le rôle de Monsieur, est parfaitement bien dans son élément.
Peut-être que cette pièce est encore un peu en rodage et a besoin d’être jouée un certain nombre de fois afin de prendre un vrai rythme et une vraie profondeur. Ce que, en tout cas, je leur souhaite.
Peter Barnouw
O.R.N.A
Texte, mise en scène, scénographie et personnage télé : Anne Cardona
Avec Laure Marin et Nicolas Moreau
Chorégraphie : Sophie Pajot
Musicien et compositeur : Bertrand Louis
Vidéo : Katell Paugam
Sound design : Laurent David
Lumières et régie : Guillaume Pouchet
Décor : Matthieu Guy d’Arpaillargues
Par LES BICÉPHALES
Mis en ligne le 10 juillet 2025
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