Entête

L’HOMME DE PLEIN VENT

 

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
01 43 57 42 14

Jusqu’au 20 mai
à 20h
et du 23 au 26 mai à 21h,
relâche les dimanches.

L’Homme de plein vent loupe

Photo © Marguerite Bordat

 

Créé en 1996 au festival d’Avignon, voilà que ce spectacle ressuscite, avec les mêmes comédiens. Pierre Meunier, l’auteur, joue un des deux personnages de ce spectacle inclassable.

Si le théâtre, comme disait un apprenti comédien, ce sont des personnages en scène et qui parlent, ici, par bonheur, on joue plus la carte de l’action. Et quelles actions ! Les nommés Léopold (la tête pensante) et Kutsch (un peu l’homme à tout faire) nous apparaissent sur un pont de singe, à quelques mètres du sol de la scène. L’un parle allemand, l’autre français... déjà l’incommunicabilité règne. De retour sur la terre ferme, le fameux plancher des vaches, cela va continuer, et comment !

Autant Léopold n’aspire qu’à s’élever, à voler... à se défaire, en un mot, de l’horrible pesanteur, autant Kutsch, le Sancho Pança de ce don Quichotte est englué dans la matière. Il se sent limité, lourd, ce qui ne l’empêche pas de suivre Léopold dans toutes ses tentatives. Le comédien Hervé Pierre est soumis à rude épreuve : on le verra soulever de lourdes charges, être pendu par les pieds, faire mille et une choses surprenantes que le spectateur vit, par force.

On n’échappe pas à la matière : poids qu’on récupère, ressort géant incontrôlable, ballet de tuyaux ou toile de fond qui peut être décor mais aussi ciel ou tapis...

Il y a du "Bouvard et Pécuchet" chez ces deux-là. Flaubert n’est pas loin avec cette obstination mâtinée de simplicité voire de simplisme.

Autant, au début on se cabre quelque peu : on cherche des repères, des personnages auxquels s’accrocher, un texte plus nourri pour "comprendre". Or il n’y a à comprendre que l’éternel conflit entre la grâce et la pesanteur (comme disait Simone Weil), entre nos deux aspirations fondamentales, s’enraciner ou s’abstraire, tomber ou décoller...

Nous aurons droit, quand même, à quelques pistes : une histoire de grutier, cette femme dont rêve Léopold (LA femme) et le fait que Kutsch, dans le civil (hors scène !) soit contrôleur des poids et mesures, mais c’est tout.

Le miracle, le petit miracle, c’est que cela tient, que tout finit par faire sens.

Dans un film, Stan Laurel, fourchette à la main, se lançait, au cours d’un dîner,  à la poursuite d’un petit pois fugueur. C’est du même ordre, ici : tout est dérisoire et vital. Les bricolages sont assumés et les personnages croient si fort à leur quête qu’ils finissent par nous y entraîner.

Nous suivons, donc et de bon cœur. Et vous ?

Gérard Noël

 

L’Homme de plein vent

Sous le regard de Marguerite Bordat.
Texte de Pierre Meunier

Avec : Jeff Perlicius, Pierre Meunier et Hervé Pierre

Collaboration artistique : Claire-Ingrid Cottenceau (1996)
Machines et machinerie : Jean-Pierre Girault, Jean Lautrey et Jean-Claude Simonnet
Son : Michel Maurer (1996), Hans Kunze (2019)
Lumières : Joël Perrin
Régie : Florent Méneret
Production : la Belle Meunière