Entête

DARIUS

 

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des Champs
75006 Paris
01 45 44 57 34

Jusqu'au 28 avril
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h30

 

Darius loupe

 

 

On ne verra jamais Darius. Il est pourtant l’âme même de ce spectacle. Il n’y est question que de lui. On en parle, on l’entoure de tous les soins, on le veille, on le couve, on l’aime. Car Darius est un enfant. Un grand enfant de 18 ans. Un enfant à l’existence extrêmement fragile. Si fragile qu’il ne peut dorénavant plus faire ce qu’il préférait au monde : voyager, découvrir des villes, des pays, des climats, s’imprégner d’atmosphères, de sons, de couleurs, de langues, d’odeurs…

Et c’est par les odeurs, par son sens olfactif, le dernier qu’il lui reste pour éprouver encore le frisson du souvenir ou de la découverte, que Darius parvient encore à faire de sa vie une aventure.

Deux personnages incarnent cette histoire écrite par Jean-Benoît Patricot. Deux personnages qui par leurs échanges épistolaires ou E-mailés vont nous faire entrer mot à mot dans l’univers de Darius : Claire, la mère de Darius et Paul, le « nez », celui qui va s’ingénier à inventer les parfums destinés au jeune homme.

L’histoire inventée par Jean-Benoît Patricot est forte, étonnante, délicate. Son écriture tient parfaitement la gageure de nous passionner à son récit. Sans chercher l’excès de termes techniques propres au métier de parfumeur, il parvient avec des mots simples à donner corps à certaines fragrances. Mais ce sont surtout la délicatesse des mots qu’il met dans la bouche de ses deux personnages qui nous les rendent sensibles.

Catherine Aymerie dont on connaît l’extrême finesse de jeu, se régale à interpréter cette mère, Claire, prête à tout pour donner du rêve et encore du rêve à l’enfant qu’elle aime. Sa voix un peu fêlée, ses gestes toujours en retenue savent contenir à tout moment une force de gravité et l’élégance de la pudeur.

Mais le spectacle serait boiteux si, de l’autre côté du plateau comme celui d’une balance de justice, son correspondant épistolaire, Paul, le « nez », interprété par François Cognard, ne relevait pas la gageure de l’intelligence et du talent. Celui-ci crée un personnage  tout en évolution, rétif d’abord, puis enthousiaste. Il parvient, avec sa belle tessiture et l’assise solide de son interprétation, à créer un personnage au caractère complexe et riche, empli de doute, mais à qui cette rencontre va redonner vie.

Quelque chose de symbolique se dégage alors du spectacle : l’image du cycle de la vie qui fait un tour.  

Paul, le « nez », explique à un certain moment que l’art de créer un parfum qui ait une certaine valeur tient essentiellement à la simplicité et au nombre mesuré des ingrédients qui le composent. Il semble que le spectacle tient lui aussi sur ce principe de simplicité et de pureté : un texte finement brodé, deux interprètes d’une justesse sans failles et une mise en scène comme le serti invisible d’une pierre rare.

Bruno Fougniès

 

Darius

Auteur : Jean-Benoît Patricot
Mise en scène : André Nerman
Scénographe : Stéphanie Laurent
Lumières : Kosta Asmanis
Création musique : Laurent Clergeau

Avec : Catherine Aymerie et François Cognard