DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON

 

Théâtre des Halles
rue du roi René
84000 avignon

 

Dans la solitude des champs de coton loupe 

 

Dans la solitude des champs de coton
L’univers glauque des dealers dans une prose recherchée

 

On imagine facilement la solitude de l’être noyé au milieu des cotonniers sous un soleil de plomb avec un énorme sac qu’il doit tirer/porter, mais il reste véritablement seul. C’est de cette solitude dont veut nous parler Koltès, de la situation de l’individu dans la société qui malgré les gens autour de lui reste  toujours aussi seul.

À la tombée du jour, à une heure où les commerces légaux sont fermés, où la rue est gérée par les oiseaux de nuit, dans une cour d’immeuble assez sordide, mais au combien réaliste, vieille et crasseuse envahie par les feuilles et les mauvaises herbes, deux hommes se croisent, l’un est dealer et l’autre qui est- il ?

Un client, un égaré ? Rien ne nous conduit à la raison de sa présence. Il pourrait fuir, il ne le fait pas, il parle avec ce marchand ambigu, il échange avec lui peut-être pour tromper sa solitude, pour s’affirmer ou pour vraiment acheter ?.

Il n’y a qu’eux et la violence extérieure matérialisée par une batterie qui donne des tempos, des échappatoires, un climat.

Le thème de la communication si cher à Koltès est ici étiré à l’outrance, chaque tirade des personnages est une prouesse dans le genre comme s’il n’y avait que cela. Chacun donne son monologue construit à l’extrême. Ce sont de véritables machines à argumenter. Ils baignent dedans comme d’autre baigneraient dans la boue ou plongeraient dans la rivière...

Alain Timar a créé une scénographie comme à son habitude très recherchée, fine, mais au combien présente et forte. Il a mené ses acteurs dans un jeu délicat à la limite du paroxysmique.

On a l’impression d’un match de boxe où les boxeurs se jaugent, s’observent et s’envoient des coups, se déplacent dans le ring. Tension excessive par moments, coups fulgurants, périodes de repos, ils reprennent des forces et se jettent à nouveau l’un contre l’autre le temps d’un round.

Oscillants entre intimidation et séduction, entre le monde des hommes et celui des animaux, le dealer et l’acheteur forment en fait un couple où chacun est indispensable à l’autre puisque reliés par le désir de l’autre. « Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu, c’est que vous désirez quelque chose que vous n’avez pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir. » cette phrase donne les bases de la pièce, où chacun va essayer de défendre ce qui lui reste de dignité et de fierté...

Une belle performance d’acteurs dans un écrin taillé sur mesure par un orfèvre en la matière.

Jean-Michel Gautier

 

Dans la solitude des champs de coton

de Bernard-Marie Koltès
mise en scène et scénographie Alain Timar

Avec Robert Bouvier et Paul Camus
et Pierre -Jules Billon à la batterie

Lumières Richard Rozenbraun
Son et régie Quentin Bonami