Entête

COUP DE SIFFLET

 

Théâtre L’Optimist
50 rue Guillaume Puy
8400 – Avignon

du 7 au 29 Juillet 2023

à 10h30

Relâches les Mardis

 

Coup de sifflet loupe 

 

Un grand moment de théâtre nous attend dans le très joli théâtre de l’Optimist

 

Nous sommes en 1958. Louise sa valise à la main, entre dans un commissariat désespérée en pleurant très fort. Sa décision de porter plainte auprès d'un jeune policier laisse entendre qu'elle cherche à échapper à une situation inadmissible. C’est de son mari dont il s’agit. Le jeune policier tente de la calmer, lui pose des questions et peu à peu sa déposition met en lumière les idées préconçues de la société patriarcale de l'après Seconde Guerre mondiale. Les femmes étaient souvent reléguées à des rôles subalternes et étaient opprimées et maltraitées dans leurs relations conjugales.

Son époux est le jeune directeur d’un des plus grands théâtres de Paris. Elle, est à son service, gère tout et ne reçoit aucune considération, aucune tendresse de sa part. Il est comme une menace perpétuelle pour elle. Alors elle le supplie de la regarder, de la remercier. Il doit faire un discours le lendemain et seul celui-ci lui importe

Tel un match de boxe, les boxeurs se jaugent, s’observent, s’envoient des coups, coups fulgurants, période de repos. Ils reprennent des forces et se jettent à nouveau l’un contre l’autre, le temps d’un round. Elle s’accroche, le supplie entre rage et résignation puis capitule et, en désespoir de cause, lui annonce qu’elle va partir. Ce n’est pour lui qu’un caprice, en effet, que deviendrait-elle sans lui ?

Peu à peu, la parole devient mot après mot, maux après maux, l’intriguant sculpteur du labyrinthe qui l’entoure et nous plonge dans une atmosphère pesante et angoissante. Aux mots poignants d’une tragédie qui s’écrit, répond l’ombre de cette femme en pleurs, à fleur d’émotion. Nous sommes les témoins de ce qui l’habite, la tourmente, la questionne. À ce jour, on parlerait d’un pervers narcissique face à ces femmes dont la parole n’est pas encore assez entendue...

Elle finit par partir, son chemin de croix, s’il en est un, a duré six mois. Elle en revient transformée, et le puzzle de l’histoire va se mettre peu à peu en place, révélation de zones obscures qui renverseraient les rapports de force ?

La pièce se déroule dans un huit clos palpitant dans une mise en scène très intelligente. D’un côté le bureau d’un commissariat, de l’autre le domicile conjugal. L’utilisation pleine de l’espace scénique avec un beau travail réalisé sur la lumière nous permet de passer de l’un à l’autre et nous nous laissons enfermer tour à tour dans ces ambiances imprégnés d’une tangible réalité .

Une onde de choc que ce spectacle, on est aspiré par le rythme. Les trois comédiens jouent avec une véracité surprenante. Une écriture d’une grande force tragique, une pièce dure à souhait et magnifiée par la comédienne et les deux comédiens où l’horreur se dispute à l’abominable.

Le policier joue son rôle avec beaucoup de naturel. Tout en faisant avancer l’intrigue de la pièce, il donne vie à son personnage avec une approche parfois légère et amusante.

Le mari joue avec force et conviction, le verbe est puissant et ses mots tranchent comme une lame effilée. Il est froid, puissant, effrayant, un sourire cruel et méprisant vissé aux lèvres, il porte les scènes à un haut degré de tension

Elle est touchante dans sa douleur et son déchirement, une comédienne à la capacité à se fondre complètement dans son personnage et à lui apporter une intense profondeur émotionnelle

Écrire et mettre en scène une telle performance n’est pas évident, le travail effectué relève le défi et il est hautement relevé ;

La fin du spectacle où la dernière scène tombe avec une brutalité que l’on n’attend pas, laisse le spectateur sans voix. Une pièce admirablement oppressante qu’il faut aller voir et lentement digérer.

Fanny Inesta

 

Coup de sifflet

Écriture et mise en scène : François Rivière

Avec Yann Coeslier, Aurélie Camus, Alexandre Lucas Becoury