Entête

UNE SAISON DE MACHETTES

 

Théâtre de l'Épée de Bois , Cartoucherie
Route du Champ-de manœuvres
75012 Paris

Jusqu’au 12 mai 2024,
du jeudi au samedi 21h
Samedi et dimanche à 16h30

 

loupe

 

 

Du livre de Jean Hatzfeld (Libération) on a tiré ici la matière d'un spectacle.

Cette tragédie, qui remonte à 1994, l'auteur la traite de façon à la fois très écrite et documentée.

Avec un décor réduit à rien, quatre comédiens plus un contrebassiste inspiré, vont nous donner à entendre un récit glaçant. D'abord, on nous présente des Hutus, l'ethnie rivale des Tutsis dans ce Rwanda qui peine à trouver un équilibre politique.

C'est un accident d'avion, celui qui coûtera la vie au président (Hutu) qui va déclencher l'indicible : des milliers de Tutsis (presque un million) vont être éxécutés à la machette.

Ce que présente Hatzfeld, qui s'est entretenu avec une dizaine de combattants, c'est leur rapport avec les "avoisinnants", (car ainsi nomment-ils les Tutsis) et puis leur élimintion, froide, systématique, effectuée sans hésitation ni remord, car commandée d'en haut, par les "encadreurs".

Au début, ces Hutus sont nommées, on les voit exister, travailler, avoir une vie de famille, se distraire. Dans la deuxième partie, les témoignages, ils n'ont plus d'identité distincte, ils sont devenus des exécutants sans âme.

Pour eux, la question de savoir si le combat est juste ne se pose pas ou si elle se posait, elle est vite évacuée. Reste ce que Hannah Arendt appelait "la banalité du mal".

Tout est décrit avec minutie et calme, jusqu'à l'horreur. Comparant les tueries et son métier, un Hutu déclare : — La culture, c'est plus simple, c'est notre métier de toujours."

On entend encore : « Nos têtes ne nous disaient plus rien. » ou bien : « Je n'ai regretté personne ». Alors même que Hutus et Tutsis cohabitaient dans la région, avaient des parcelles proches, se croisaient au cabaret.

Le contexte manque : il nous sera donné un peu plus tard. 1959 et les premiers crimes.

Commentaire :  « On attend. Pas de remontrances. »

La mort du président, en 1994 sera... déterminante.

La fin pose la question du pardon, qui ne semble pas tourmenter les "tueurs" : « Pardonner à qui, pourquoi ? Je ne vois que Dieu pour pardonner ! » assène l'un.

Au final un spectacle aride, fort, qui heurte de plein fouet mais un spectacle nécessaire. L'auteur-metteur en scène, Dominique Lurcel parle d'un "théâtre du témoignage".

On ne saurait mieux dire.

Gérard Noël

 

Une saison de machettes

de Jean Hatzfeld
Version scénique et mis en scène : Dominique Lurcel

Jeu : Céline Bothorel, Maïa Laiter, Omar Mounir Alaoui, Tadié Tuéné

Musique sur scène : Yves Rousseau / Contrebasse
Lumières : Philippe Lacombe
Décor : Gérald Ascagorta
Construction décor : Jérôme Cochet et Caroline Frachet
Régie générale : Frédéric Lurcel