Entête

THÈBES AU TEMPS DE LA FIÈVRE JAUNE

 

Théâtre du Soleil, Petite salle
route du Champ-de- Manœuvre,
75012 Paris
01 43 74 24 08

Jusqu’au 19 novembre

 

Thèbes au temps de la fièvre jaune loupe

Photo © Rina Skeel

 

Eugenio Barba, un des derniers maîtres du théâtre du XXème siècle, grand ami d’Ariane Mnouchkine, a été accueilli avec l’Odin Teatret pour une semaine au Théâtre du Soleil, dans la salle de répétitions, propice à la proximité avec les comédiens. L’attente est immense, le moment est si rare. Les spectateurs avertis rentrent dans la salle. Eugenio Barba s’empresse de les placer, minutieusement. Certains rangs sont réservés aux amis, semble-t-il, curieux. Les plus jeunes, les derniers arrivés sont assis sur des coussins, au premier rang. Les spectateurs se font face dans cette scénographie bi-frontale. La discipline de cette entrée en salle est comme une note introductrice. L’expérience sera exigeante. 

Thèbes au temps de la fièvre jaune est le 80ème spectacle de l’Odin Teatret. Que faire après tout ce travail de création ? Revenir au mythe, à Œdipe, premier projet de mise en scène d’Eugenio Barba à l’école de théâtre de Varsovie en 1961. Les personnages sont méconnaissables, Antigone, Créon, Tirésias, le spectre d’Œdipe, sont là pourtant. Le grec ancien nous fait rentrer dans l’expérience dont l’entendement se fait peu avec les mots. Certains mots grecs connus de tous surgissent, quelques phrases en français sont jetées telles des bouteilles à la mer. Créon aussi n’articule pas de mots, il aboie, clin d’œil à ces langages faits de sifflements, comme en Turquie, appelée « la langue des oiseaux » ? Cette post rationalisation cache le mystique de l’expérience. Le langage n’est qu’une béquille, l’image et le son deviennent aussi importants. Le jaune, très présent sur le plateau, appelle à la synesthésie. Les tableaux de Van Gogh font penser au mythe d’Icare, à l’or, à la montée tragique qui mène à la chute. La fièvre jaune alors ?

Ce spectacle semble le palimpseste de son travail de création, impossible de le savoir, sans se renseigner, de préférence, après le spectacle. Cette expérience, sans cruauté, est ardue et fascinante. Il y a un paradoxe à vouloir être plus accompagné et à craindre de l’être davantage. Le spectateur non averti passe sûrement à côté, c’est la limite. Il en demeure une joie d’avoir participé à ce moment sacré où les acteurs, porteurs du secret, ne viennent pas saluer.

Alexandra Diaz

 

Thèbes au temps de la fièvre jaune

Ensemble spectacle par l'Odin Teatret
Texte et direction Eugenio Barba

Avec Kai Bredholt, Roberta Carreri, Donald Kitt, Iben Nagel Rasmussen, Julia Varley