Entête

LA  PETITE DANS LA FÔRET PROFONDE

 

Les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs
75001 Paris
01 42 36 00 50

Jusqu’au 20 décembre,
du dimanche au mardi à 19h

La  Petite dans la fôret profonde loupe

 

 

Au théâtre, beaucoup de choses tiennent dans le dispositif : nous avons un auteur, des comédiens et comédiennes (ici, deux). Il faut une approche. Une démarche.

Sur ce texte de Philippe Minyana, le metteur en scène a choisi de faire du théâtre dépouillé, avec des sons apparents. Explication : la table supportant le matériel est visible et quand une des comédiennes narre et joue, l'autre bruite, en boucle ou pas.

Cela donne un assez joli résultat et, pour une fois, on nous épargne les projections passe-partout sur le fond de la scène.

C'est une sorte de conte qui nous est proposé; Du moins, on n'est pas loin de le croire : il y a un jeune roi, une petite... il l'accompagne dans la forêt, à la descente du bateau par lequel ils sont venus. Tout va bien.

Et puis cela se gâte : le jeune roi agresse la petite et la viole, allant jusqu'à lui couper le langue pour qu'elle ne parle pas. Séquence forte, qui sera reprise ensuite par l'autre comédienne faisant exister la reine, épouse du roi et soeur de la petite. Celle-ci, à défaut de pouvoir parler, a brodé sur un support, tout ce qu'elle a subi de la part du roi. On voit soudain qu'il n'est plus "jeune" : c'est LE roi, un roi abusant de son pouvoir et la reine ne tergiverse pas. Elle doit venger sa jeune soeur, ce qu'elle va faire avec détermination. Révéler sa vengeance serait la divulgâcher.

Les plus lettrés auront reconnu une histoire de la mythologie contée par Ovide (et que l'auteur a reprise), celle de Procné et Philomèle.

Minyana crée une double distance avec son récit :Il y a ce côté "conte" ainsi que la narration assumée. Les « dit-il » ou « dit-elle » abondent... et les comédiennes (excellentes toutes les deux) sont à la fois conteuses et interprètes.

Clémence Josseau est "la petite". Fragile et forte à la fois. Louise Ferry campe la reine : elle a un jeu plus tonique, plus net mais non moins sensible.

La mise en scène assume le minimalisme et le côté frontal. Les deux interprètes viennent tour à tour face à nous pour dérouler le fil de cette tragédie. Elles ont quelques moments forts ensemble, la scène rejouée du viol ainsi qu'un tête à tête roi-reine surfant finement sur le second degré car nous savons, nous, ce que le roi ignore encore, à savoir la nature de la vengeance.

Au final, un spectacle qui commence en conte distancé, se poursuit en drame prenant (la force encore une fois du mythe et de l'écriture de Minyana) et se conclut... car il faut bien conclure, par une échappée fantastique.

Une envolée, pourrait-on même dire.

Gérard Noël

 

La  Petite dans la fôret profonde

de Philippe Minyana.
Mise en scène : Alexandre Horréard

Jeu : Louise Ferry, Clémence Josseau