TARTUFFE

 

Une sortie de résidence de la Compagnie les Cent Têtes

à Saint Julien de Comolas (30)

en attendant la réouverture des salles

Diffusion - Gislaine Seyer : 06 52 11 01 40

 

loupe 

Un Tartuffe version féministe

 

C’est assez courageux voire un peu inconscient de monter un Tartuffe joué uniquement par trois femmes, cela impose une adaptation du texte en alexandrin, une transposition scénique réduisant le nombre des personnages et une redistribution du texte... Une entreprise périlleuse et courageuse de Grégoire Aubert, mais au combien réussie et s’inscrivant bien dans l’air du temps.

On a donc trois actrices musiciennes, danseuses et chanteuses, qui vont jouer tous les personnages et renforcer l’aspect féministe contenu dans l’œuvre. Ici les femmes sont intelligentes, courageuses, entreprenantes et dénoncent sans aucune retenue tant la bêtise d’Orgon, ce bourgeois tombé sous la coupe de ce faux dévot qu’est Tartuffe et celui-ci baignant dans son sirupeux discours. La révolte est menée par Dorine l’employée de maison qui va dénoncer l’imposteur et critiquer Orgon, homme trompé prêt à donner sa fille Marianne en mariage à ce calotin d’opérette.

La trame est celle d’origine, mais la mise en œuvre est profondément différente. Les deux hommes de l’aventure sont joués dans le registre commedia del arte édulcoré. Cela apporte beaucoup d’humour et d’efficacité.

La pièce tourne autour de ces femmes féministes avant l’heure qui balayent tout d’un mouvement de jupe, le ton est enjoué, brillant, tonique aussi.

Molière n’a pas perdu son âme dans cette adaptation, il y a gagné en portée, en humour et en critique sociétale.

Mais en sus, outre cette adaptation pour trois comédiennes, c’est une adaptation pour trois musiciennes et chanteuses qui est faite et là c’est non pas la cerise sur le gâteau mais la bombe dans le gâteau car on assiste à des passages musicaux d’une grande beauté et des parties chantées hilarantes : le «Paroles paroles » de Dalida semble écrit pour cette pièce... quel délice.

Sophie Millon, une voix pure, sortie tout droit de « la flûte enchantée » de Mozart est comme à son accoutumée tout en légèreté et humour pour camper ses différents personnages dont un Orgon manipulé et sans esprit critique asservi par un Tartuffe dénué de tout scrupule.

Théodora Carla est une adorable Dorine qui organise la chute du dévot avec maestria et qui nous berce de son archet avec délice.

Enfin Anaïs Khaizourane délicate Marianne est aussi une remarquable violoncelliste qui sait mêler ses notes à celles de ses partenaires bien au-delà de la baguette avec beaucoup de grâce.

Tout ceci est prometteur mais ne se résume pas à cela uniquement, car c’est sans compter sur la participation de Benjamin Civil qui a géré la partie musicale avec un brio exceptionnel tant les extraits musicaux que les parties enregistrées sont d’une richesse inouïe et d’un humour dévastateur, beau travail de création et d’adaptation.

Ainsi la pièce prend un coup de jeune, une plus grande force dans la dénonciation d’un système et dans une féminisation très XXI° siècle. Molière n’a jamais été aussi inscrit dans notre temps.

Jean Michel Gautier

 

Tartuffe

Adaptation/mise en scène : Grégoire Aubert

Comédiennes : Anaïs Khaizourane , Sophie Millon , Théodora Carla

Création lumières/régie : Nicolas Ferrari
Décors : Jean-Michel Halbin
Costumes : Marie-Pierre Calliès
Création musicale : Benjamin Civil
Affiche : Philippe Plays
Diffusion : Gislaine Seyer