Ivan Morane s'est emparé du texte de Camus avec ce qu'il faut à la fois de force et de retenue pour en exprimer toute la sève et l'ambiguïté.

Avec ses deux personnages, celui qui se livre à un long monologue et celui qu'on n'entend ni ne voit jamais, cette fable écrite en 1957 résonne d'une façon étonnamment moderne à nos oreilles, aiguisant nos sens et nos consciences pour mieux nous donner à réfléchir sur nous-mêmes et le monde.

Dans un décor épuré, où un fauteuil prend une place prépondérante, Ivan Morane, démarrant en costume pour finir dans un dépouillement symbolique, utilisant un jeu fort et subtilement  nuancé  souligné par des lumières crépusculaires, fait éclater toute la puissance des mots percutants de Camus.

Il livre là une superbe performance allant jusqu'à nous rendre presque sympathique ce personnage de Clamance pourtant odieux dans son cynisme, et que l'accompagnement musical au violoncelle de Silvia Lenzi scande de ses plaintes lancinantes.

Nous sommes happés vertigineusement, entraînés dans cette chute qui, décrite froidement mais avec une grande éloquence, nous dit sans ambages que nous faisons bien  partie de cette humanité égoïste et hypocrite.

Nicole Bourbon

 

La chute

d'Albert Camus
Adaptation Catherine Camus et François Chaumette
Mise en scène, scénographie et lumières Ivan Morane assisté de Jean-Charles Mouveaux

Avec Ivan Morane et Silvia Lenzi (Musicienne)