V.I.T.R.I.O.L

 

Théâtre de la Tempête
La Cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris  
01 43 28 36 36      

Jusqu’au 29 mars
du mardi au samedi 20h30,
dimanche 16h30

 

V.I.T.R.I.O.L loupe 

 

N'y aurait-il pas deux pièces en une, dans ce V.I.T.R.I.O.L ? Une, qui constitue la première partie, surprend : un homme survient au sein d'un couple nouvellement constitué. Cet homme a, aurait un pouvoir : celui, (façon maraboutage) de pouvoir téléguider les actions et réactions des deux autres, grâce à de petites figurines en bois les représentant. On navigue à vue, en plein mystère. On pense à du Sébastien Thiéry, pour l'étrangeté assumée, ou à Pinter pour le dialogue faussement banal, ne s'interdisant pas les facilités, mais joué de façon non-conventionnelle par un trio de comédiens inspirés. Il y a, très vite, une menace sous-jacente. Le nouvel arrivant finit par amener des musiciens qui vont ponctuer et rythmer la suite de la pièce. On voit bien que le texte devient un élément de la pièce au même titre de la musique : il y a un côté oratorio, une reflexion originale sur le couple et ses aléas. L'ex' (car on finit par comprendre qu'il "était" avec la jeune femme et ne l'est plus... mais il est revenu. Pourquoi ? ) a un projet artistique. Bon. Il édifie un semblant de maison auquel la jeune femme finira par mettre le feu. L'intérêt du début faiblit quelque peu, même si on est toujours  emporté par le virtuosité de la mise en scène et l'allant des comédiens.

  • Que fais-tu là ? C'est la question que pose la jeune femme. Il était temps.
  • Pourquoi sommes-nous obsédés par le sens des choses ? Lui objecte l'ex'.

La suite est un plaidoyer pour une psychiatrie ouverte et non-représsive. On "entend" les voix de Pierre-Félix Guattari ou Gilles Deleuze. On voit évoquer Jean Oury, créateur de la clinique de La Borde, ou encore Michel Boussat, adepte d'une psychiatrie qu'il développa en Afrique : « C'est le groupe qui est partie prenante... et le malade n'est pas considéré uniquement comme tel. »

Soyons franc, cette partie est intéressante mais peut-être un peu longuette : elle tranche avec la première, même si elle s'y rattache logiquement. La raccourcir aurait été une solution, ou encore la tronçonner et la glisser au creux de la première, suivant le principe d'Elsa Granat qui prône l'importance de "brèches, de lacérations dans cette histoire".

Que dire de plus ?

Il y a une force dans tout cela, une efficacité non niable. Les musiciens, au nombre de trois et les comédiens sont en symbiose. La pièce, ambitieuse, pose beaucoup de questions, en ayant le mérite de se colleter avec le thème de la folie et de la psychiatrie. De souligner aussi  le discours du "patient" qui impose une logique par rapport à laquelle, encore une fois, les autres n'ont que la solution de se positionner.

Au final, un spectacle prenant, superbement incarné : mention spéciale à Olivier Werner.  En dépit des réserves ci-dessus exprimées, il est hautement recommandé.

 

Gérard Noël

 

V.I.T.R.I.O.L

de Roxane Kasperski et Elsa Granat
Mise en scène : Elsa Granat

Avec : Pierre Giafferi, Roxane Kasperski, Olivier Werner et Fanny Balestro (violoncelle), Quentin Coppalle (flûte traversière, guitare), François Vallet (percussions)

Collaboration artistique : Hélène Rencurel
Scénographie : Suzanne Barbaud
Lumières : Lila Meynard. Costumes : Marion Moinet
Régie : Gilles David, Yann Nédélec