UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR

 

Théâtre La Scène Parisienne
34, rue Richer
Paris 9e
01 40 41 00 00

Jusqu’au 12 avril 2020,
du mardi au samedi à 21h, dimanche à 19h

 

Un tramway nommé désir loupe 

 

Nous sommes dans un quartier populaire de la Nouvelle-Orléans.  Une chaleur torride, moite pousse les habitants à se réfugier dans la rue pour y aspirer un peu de fraîcheur. Deux musiciens ambulants (des vrais !) saxo et guitare jouent du blues et tentent vainement de gagner quelques pièces de monnaie.

Descend, alors, du « tramway nommé désir », une femme, beaucoup trop élégante et sophistiquée pour ne pas attirer l’attention : Blanche Dubois totalement désorientée, encadrée de deux énormes valises, cherche l’adresse de sa jeune sœur Stella Kowalski qu’elle n’a pas revue depuis de nombreuses années.

Les deux sœurs se retrouvent avec joie ; mais très vite Blanche, gagnée par la nervosité, exprime son effarement voire son dégoût, devant l’exiguïté et la modestie de l’appartement dans lequel vit Stella.

L’aînée rappelle leur enfance commune passée dans la propriété familiale de « Belle rêve », l’éducation quasi aristocratique qui les a construites, et grâce à laquelle, elle, est devenue professeur de langue française.

Stella, tranquille, rétorque avoir épousé un ouvrier qu’elle aime et que sa vie actuelle lui convient parfaitement. Horrifiée devant cette réalité insoutenable voire agressante, l’aînée revendique haut et fort un passé familial glorieux que la cadette a délibérément voulu fuir dix ans plus tôt.

Apparaît alors Stanley Kowalski, le mari de Stella, qui, dans le même temps, découvre une belle- sœur inconnue et apprend son installation immédiate au sein de son foyer. La rencontre de ces deux personnages se révèlera, au cours de la pièce, aussi explosive que l’eût été celle d’un félin avec un ours. Progressivement, ils déploieront chacun toutes les armes destructrices dont ils sont constitués pour s’accaparer l’unique personne, symbole de leur survie : Stella.

Dans ce huis-clos infernal surgit une bouffée d’espoir avec le personnage de Mitch dont l’amour émerveillé, romantique et naïf, délivrera peut-être Blanche de ses démons intérieurs.

À la condescendance arrogante et provocatrice d’une femme, prisonnière inconsciente de ses ascendants, répond la violence machiste d’un homme qui, en miroir, souffre des mêmes maux. La première se sent contrainte de masquer la chute abyssale de son statut social, le second souhaite gommer sa condition ouvrière et ses origines polonaises par la recherche d’un enracinement « respectable » via l’héritage foncier de son épouse.

Manuel Olinger signe une mise en scène à la fois intelligente, dérangeante et éprouvante. Il réussit à rendre palpable ce que le texte de Tennessee Williams met en lumière : un univers violent et douloureux, bâti sur la domination du plus fort sur le plus faible, l’infériorisation des classes laborieuses et non possédantes, le mépris de l’immigré, la violence des rapports hommes/femmes. Ces thèmes, toujours d’actualité, ne cessent jamais de fracturer notre quotidien.

Tous les interprètes doivent ici être salués : Julie Delaurenti, Murielle Huet Des Auney, Gilles-Vincent Kapps, Jean-Pierre Olinger, Manuel Olinger. L’homogénéité de leur jeu, leurs forces, leurs émotions, leur sensibilité, leur générosité font de ce spectacle un véritable coup de poing théâtral !

Nadia Baji

 

Un tramway nommé désir

De Tennessee Williams

Mise en scène : Manuel Olinger
Adaptation : Pierre Laville
Lumière : Théo Guirmand

 Avec : Julie Delaurenti, Manuel Olinger, Tiffany Hofstetter Ou Murielle Huet Des Aunay, Philipp Weissert Ou Gilles Vincent Kapps, Jean-Pierre Olinger