TOUTE NUE

 

Théâtre de la Tempête
route du Champ-de-Manoeuvre,
75012 Paris
01 43 28 36 36

Du 16 au 26 mai
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30

 

Toute nue loupe 

 

Le 14 février dernier, Benjamin Griveaux annonce le retrait de sa candidature pour la Mairie de Paris. Une sextape circule sur internet. Son intimité, sa nudité sont jetées en pâture à la vue de tous les internautes. Cette atteinte à la pudeur a tué l’homme politique. La mise en scène d’Émilie Anna Maillet à partir du texte Mais n’te promène donc pas toute nue de Feydeau et d’extraits de La Veillée, Démons et Détails de Norén fait résonner cette actualité.

Ventroux, le jeune loup en bonne place pour devenir Ministre de la Marine, reçoit chez lui le journaliste du Figaro, De Jaival, dont il peine à se souvenir du nom et son ancien rival, Hochepaix. Or, sa femme, revenue d’un mariage mondain, souffre de la chaleur et ne cesse de se dévêtir. Dans ce chassé-croisé de personages, Émilie Anna Maillet montre les forces tiraillant Ventroux et sa femme malgré eux. Victor, l’homme à tout faire, bat le rythme de la batterie, comme un écho à cette impossibilité d’être maître de ses actions. Le poids du système ne semble permettre aucune issue.

Cette sensation de huis-clos est appuyée par l’intelligence de la scénographie et de la vidéo. Les murs semblent clos, les dérapages, la folie explosive viennent des interstices, des recoins. La presse en quête de sensationnalisme tente de s’immiscer partout. Le don d’ubiquité montre sa limite. Les moyens de communication à distance – précieux en ce temps de confinement – brisent ici l’espace intime, décuplent l’espace-temps, ce qui alimente l’absence de contrôle des actions au temps présent. Clarisse use de ce moyen pour anéantir son mari. L’affichage de sa nudité est comme un paradoxal étendard pour transcender sa place d’objet. Par cette crudité, elle tente de recouvrer sa place de sujet, loin de l’instrumentalisation faite par son mari, son milieu. La folie qui l’anime est la conséquence de cette assignation incarnée qu’elle ne supporte plus. La nudité en est un symptôme.

Émilie Anna Maillet réussit parfaitement à montrer cette mécanique par une direction d’acteurs précise. La répétition par la parole et le geste fait émerger cette absurdité présente dans les films de Tati. Une fois ceci posé, que faire pour y échapper ? Le fil est tiré à l’extrême, jusqu’à la névrose mais cela devient, à la fin, criard. L’intelligence du mouvement pluriel incarne l’idée qui aurait pourtant mérité d’être développée, approfondie. Aujourd’hui, une multitude de voix commencent à être exposées, écoutées. Là réside l’espoir du changement !

Alexandra Diaz

 

Toute nue

Variation Feydeau Norén

Mise en scène et dramaturgie Émilie Anna Maillet 

Avec Sébastien Lalanne, Denis Lejeune, Marion Suzanne, Simon Terrenoire ou Mathieu Perotto, et François Merville (batterie)

Scénographie Benjamin Gabrié
Création vidéo Maxime Lethelier, Jean François Domingues et Noé Mercklé 
Création musicale François Merville
Création lumière et régie générale Laurent Beucher
Son Jean-François Domingues
Assistanat mise en scène et régie plateau Clarisse Sellier 
Construction Benjamin Gabrié, Yohann Chemmoul et les Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne
Réseau Thibaut Le Garrec

 

D’après Mais n’te promène donc pas toute nue de Georges Feydeau et des extraits de l’œuvre de Lars Norén tirés de ses pièces La Veillée (traduction de Amélie Berg), Détails (traduction de Camilla Bouchet et Amélie Wendling), Démons (traduction de Per Nygren et Louis-Charles Sirjacq) et Munich-Athènes (traduction de Pascale Balcon).

Production : Ex Voto à la Lune