L'AFFRONTEMENT

Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaité.
75014 Paris
Réservations : 01.43.35.32.31
Jusqu'au 2 juin 2013 du mardi au samedi à 19h, et matinées le dimanche à 17h30.

L'affrontement

Chronique de Nicole Bourbon

 

Brillant.

 

Brillant par le texte incisif de Bill.C.Davis adapté par Dominique et Jean Piat – Molière du meilleur adaptateur d'une pièce étrangère en 1997 –, aux dialogues caracolant sans cesse de l'humour à la gravité.

Brillant par le décor, superbe, de Stéfanie Jarre, belle église moderne aux murs de béton illuminés de longs et sobres vitraux, devenant rapidement grâce à une bascule de l'autel et des panneaux coulissant, le bureau du prêtre.

Brillant par la mise en scène de Steve Suissa, d'une précision absolue  qui accompagne intelligemment le propos et en fait ressortir tout le sel, gestes et déplacement parfaitement étudiés, balançant avec à propos entre sobriété et éclats.

Brillant enfin par l'interprétation hors pair de deux acteurs extraordinaires, Francis Huster qu'on ne présente plus, carrière et talent exceptionnels, et Davy Sardou, présence remarquable, jeu tout en nuances et parfaitement maîtrisé, dont la lignée illustre dont il descend peut être fière.

Cet affrontement à fleurets mouchetés oppose un vieux prêtre, désabusé et alcoolique, à un jeune séminariste fougueux et entier, n'acceptant pas les compromissions de son aîné.

Seront posées les questions qui partagent l'église actuelle : homosexualité, sacerdoce des femmes, mariage des prêtres et de façon plus générale rôle du prêtre dans la société contemporaine.

Un sujet sérieux donc qui pourrait effrayer.

Or rien n'est plus vivant, moins ennuyeux, plus captivant que ce spectacle et l'éviter serait vraiment passer à côté d'un incroyable moment de théâtre profondément jubilatoire, mené tambour battant, où l'on rit énormément, où l'on est ému aussi et où l'on suit avec passion le cheminement de ces deux hommes dans un affrontement violent parfois mais éclairé sans cesse par la rouerie et la malice de l'un et la maladresse de l'autre qui récuse la moindre diplomatie,  un duel sans concession mais d'une grande humanité et qui va devenir au fil des rencontres de plus en plus complice.

Le public ne s'y est pas trompé qui a salué chaque saillie humoristique par ses rires, chaque scène par ses applaudissements et le salut final par une standing ovation amplement méritée.

 

Chronique de Tanya Drouginska

 

Dans une église inspirée par Le Corbusier, le très populaire et conservateur père Tim Farley,aborde dans son sermon dominical, la crise du catholicisme contemporain. Le débat consensuel qui s'instaure avec les paroisiens, est interrompu par Mark Dolson, jeune séminariste rebelle, au passé trouble. Au fil des semaines les deux hommes vont s'affronter dans une joute idéologique centrée sur l'accés des femmes au sacerdoce, l'homosexualité, le mariage des prêtres et leur solitude face à une société en pleine évolution, en décalage avec l'église traditionnelle. Ce duel qui touche à l'affrontement entre le "pas si mal" et le "pas si bien", nous réserve un dénouement inattendu...

"L'affrontement", le chef d'oeuvre de l'américain Bill C.Davis, dans lequel Jean Piat triompha en 1996, est repris içi dans une nouvelle et habile adaptation du grand comédien (Molière de l'adaptateur en 1997), assisté de sa fille Dominique. Les mots sont ciselés pour des dialogues incisifs, où l'humour garde ses droits, évitant ainsi l'écueil de l'ennui dû à un sujet austère, mais toujours d'actualité. Le rythme est soutenu, le spectateur passe de l'émotion au rire et reste toujours en haleine.

Mais pour que la magie opère, il fallait un duo de comédiens en osmose, totalement à l'unisson, et le metteur en scène Steve Suissa a choisi le casting idéal:

– Francis Huster au talent à facettes et à la carrière exceptionnelle, donne vie au père Farley, respectueux de la tradition et de la hiérarchie, pétri de convictions. Totalement habité, il alterne avec art, violence, émotion et humour, sa classe conférant une respectabilité de bon aloi, à ce prêtre irlandais devenu ivrogne pour supporter les vicissitudes de sa charge.

– Petit fils de Fernand et Jackie, fils de Michel, Davy Sardou porte haut le flambeau de la dynastie familiale en se coulant dans la peau de Mark Dolson, jeune diacre convaincu de la nécessité d'une réforme de l'église. Il est tour à tour provocateur, émouvant, voire fantaisiste, avec justesse et maîtrise, nous rendant le personnage attachant.

Steve Suissa dont on ne compte plus les succès tant au cinéma, qu'au théâtre, signe une mise en scène rythmée, précise et exigeante, centrée sur l'interprétation des comédiens, qu'il pousse à leur maximum pour que les mots prennent tout leur sens et le conflit toute sa profondeur.

Un décor sobre et beau, astucieusement évolutif, pensé par Stéphanie Jarre, permet à l'action de se dérouler en alternance dans  l'église ornée de vitraux géométriques, et dans le bureau du père Farley. L'atmosphère étant subtilement induite par le magicien de la lumière Jacques Rouveyrollis.

À travers ce duel mystique, "L'affrontement" ne se limite pas au cadre de l'église romaine, mais aborde la question universelle de la foi et de la vocation, où chacun, quelle que soit sa confession, pourra se retrouver. Les spectateurs ne s'y trompent pas, communiant dans cette grand-messe du théâtre, où toutes les composantes sont réunies pour que ce spectacle touche à l'excellence. Et c'est un tonnerre d'applaudissements et une standing ovation bien mérités, qui clôturent la représentation.

C'est brillantissime, courez-y...!!!

 

 

L'affrontement

de Bill C. Davis
Mise en scène de Steve Suissa

Avec Francis Huster dans le rôle du père Tim Farley
et Davy Sardou dans le rôle de Mark Dolson

Décor : Stéfanie Jarre
Costumes : Édith Vesperini
Lumière : Jacques Rouveyrollis
Son : Alexandre Lessertisseur
 Assistant mise en scène : Denis Lemaître

 

Version imprimable (PDF