Entête

JE VOUDRAIS CREVER

 

Théâtre de l’Atalante
10 place Charles Dullin
75018, Paris
Tél : 01 46 06 11 90

Jusqu’au 18 novembre,
mercredi, jeudi et vendredi à 19h

 

Je voudrais crever loupe

Phptp© Davood Maeili

 

C’est un titre des plus noirs pour une pièce qui est au contraire pleine d’une belle énergie, d’une vive lumière, d’une vitalité active. Et même si le thème principal semble être la perte d’un proche, l’auteur québécois Marc-Antoine Cyr désaxe le centre de la pièce vers l’entourage, les amis et les évolutions que cette perte va provoquer dans leurs consciences et dans leurs vies toute entière.

Ils sont jeunes, tous ont à peine 30 ans, en ébauche de vie, sur le point de quitter définitivement l’insouciance de l’adolescence pour entrer dans les réalités du monde des adultes. Cinq amis de toujours qui se connaissent des pieds à la tête et qui vont être confrontés soudain au tragique de l’existence avec la perte de l’un d’entre eux, Mattéo, en phase finale d’une maladie incurable.

Le texte de Marc-Antoine Cyr se penche sur ce groupe humain un peu à la manière d’un scientifique observant l’invisible au microscope. Un groupe qui paraît faire partie des souvenirs de jeunesse de tout le monde, vous savez, cette bande d’amis pour toujours que l’on a tous connus au sortir de l’enfance. On y reconnaît des caractères presque universels : l’éternelle étudiante qui n’arrive pas se fixer nulle part, l’organisatrice à l’esprit cartésien qui pense que tout problème a une solution et qui dirige sa vie avec un plan précis, le malheureux en amour, moitié dépressif qu’il faut sans cesse soutenir, le bon brave garçon toujours prêt à rendre service. Un panel de personnalités très diverses mais liées par le passé.

Celui qui les lie c’est Mattéo. L’intégralité du récit se déroule dans sa chambre d’hôpital. Alité et affaibli, celui-ci regarde ses amis défiler chaque jour, prendre soin de lui, le soutenir dans ces dernières semaines d’existence. Il est calme, presque silencieux. Au milieu de l’agitation perpétuelle de ses amis, leurs inquiétudes, leurs projets, leurs heurts, il est étrangement comme un contrepoint de sérénité, d’apaisement, un bloc. Il est le cœur du cyclone qui va bouleverser les vies de tous ses proches.

L’indécence de cette mort tient à la jeunesse de Mattéo. Un sentiment universel d’injustice face à cette disparition précoce annoncée. Le texte de Marc-Antoine Cyr se focalise sur la prise de conscience que cette indécence provoque. Face à ce drame, la fragilité de la vie et la futilité des existences éclate petit à petit pour chacune et chacun des amis qui l’entourent. Seule la mère de Mattéo, avec qui il n’a de contact que par téléphone, semble nimbée dans le nuage des souvenirs et échappe à ces bouleversements.

La mise en scène d’Ambre Dubrulle parvient à tisser une unité à ce texte fait de courtes scènes éloignées les unes des autres par des laps de temps. L’atmosphère vivante est créée par les éléments de décors simples d’une chambre d’hôpital et surtout par une mise en lumière dynamique qui évite le réalisme et donne, avec une bande son, elle aussi très précise, une riche dimension psychologique. Les comédiennes et comédiens sont bien ancrés dans leurs personnages, d’une crédibilité totale, ils incitent très rapidement à l’empathie, et leurs prises de conscience touchent. Passé cette initiation à la mort, le commencement d’une autre vie les emporte et une forme d’apaisement suit le noir final de la représentation.  

Bruno Fougniès

 

Je voudrais crever

Un texte de Marc-Antoine Cyr
Mise en scène de Ambre Dubrulle

Avec Julia Cash, Simon Cohen, Ilyes Hammadi Chassin, Constance Guiouiller, Damien Sobieraff, Kim Verschueren

Création Sonore de Victor Pavel
Création Lumière de Luca Bondioli

Avec la participation artistique du Studio | ESCA