Entête

UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR

 

Théâtre des Bouffes parisiens
4 rue Monsigny
75002 Paris
01 42 96 92 40

Jusqu’au 31 mars
Du mercredi au samedi à 20h
Samedi et dimanche à 15h30

 

Un tramway nommé Désir loupe

Photo © Christophe Raynaud De Lage

 

Blanche DuBois a emprunté le « tramway nommé Désir » pour se rendre à la Nouvelle-Orléans. C’est là-bas que vit sa sœur Stella, mariée à Stanley Kowalski, un ouvrier d’origine polonaise. Lorsque Blanche arrive, Stella s’est absentée mais Eunice, la voisine, la fait entrer dans l’appartement. Celui-ci n’est pas du goût de l’élégante Blanche, ruban rose dans les cheveux, robe vaporeuse et paire de salomés à talons : c’est trop petit, trop modeste, et, en bonne professeur d’anglais qu’elle est, cela lui rappelle une nouvelle d’Edgar Poe. Lorsqu’elle retrouvera sa sœur, elle lui expliquera que le proviseur de son lycée lui a proposé un congé, que la plantation de Belle Reve a été « perdue », qu’elle va « moyennement bien ». Commence alors une cohabitation difficile entre les trois personnages.

Stella est prise entre sa sœur et son mari, se retrouvant à faire tampon entre ces deux caractères forts. Alysson Paradis en fait un personnage tourné vers les autres, pleine de bienveillance envers sa sœur fantasque et aveuglément amoureuse de Stanley, au point de supporter tous ses accès de violence.

Quant à Blanche, elle passe son temps à prendre des bains, chantonnant Over The Rainbow comme pour garder un peu d’espoir, tâchant d’oublier son déclassement social, et ne manque aucune occasion pour lancer des piques particulièrement cinglantes aux autres. Cristiana Reali rêvait de jouer Blanche et elle y met tout son cœur. Le public est déstabilisé et comme Blanche, passe d’une émotion à l’autre face à cette femme capable de faire sourire, rire et pleurer, presque simultanément.

Si Stanley et Blanche partagent le même goût pour le whisky – « Une giclée de whisky n’a jamais fait de mal à un Coca » affirme Blanche –, le mari de Stella perd vite patience en présence de sa belle-sœur. Il a démêlé ses mensonges, a appris des choses sur son passé, et souhaite comprendre ce qu’il est arrivé à la plantation de Belle Reve en vertu du « Code Napoléon ». Sa détresse est telle que même les parties de poker et de bowling avec ses amis finissent toujours par des crises de violence incontrôlables – Nicolas Avinée est glaçant. Ce qu’il souhaite par-dessus tout, c’est se débarrasser de « reine du Nil assise sur son trône à descendre [s]on whisky ».

Les voisins qui gravitent autour du trio sont eux aussi interprétés par des acteurs très convaincants, particulièrement Lionel Abelanski, dans la peau d’Harold Mitchell, le vieux garçon touchant et gauche que Blanche séduira en se faisant passer pour une vieille fille presque vierge.

Quant à la scénographie, elle est également à saluer avec un habile jeu de transparence entre l’intérieur et l’extérieur de l’appartement, des rideaux qui permettent à Blanche de s’isoler, ou de se laisser regarder par Harold Mitchell. Et petit à petit, l’espace de l’appartement se réduit, symbolisant les différents types d’enfermements subis, de plus en plus insupportables pour le trio de protagonistes. Il y a aussi de la fumée, des odeurs, et les jeux sur la lumière rendent les scènes de violence très graphiques.

La poésie est elle aussi omniprésente, que ce soit avec l’apparition d’une mystérieuse femme entonnant La Llorona, ou à la toute fin de la pièce. La mise en scène de Pauline Susini rend un bel hommage à Tennessee Williams, en mettant le personnage de Blanche à l’honneur, à la fois insaisissable et touchante, versatile et aussi délirante que clairvoyante. Un très beau portrait de femme.

Ivanne Galant

 

Un tramway nommé Désir

D’après Tennessee Williams

Avec : Cristiana Reali, Alysson Paradis, Nicolas Avinée, Lionel Abelanski, Marie-Pierre Nouveau, Djibril Pavadé et Simon Zampieri en alternance avec Tanguy Malaterre.

Mise en scène :  Pauline Susini