Entête

LA FRANCE, EMPIRE

 

Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011 Paris
01 48 06 72 34

Jusqu’au 27 juin 2024
Du mercredi au samedi à 21h15
Le dimanche à 17h
Relâches les 17 avril et 4 mai

 

La France, Empire loupePhoto : Pauline Le Goff

 

Après Bleu, Blanc, Rouge, l’A-démocratie, sa trilogie très documentée qui mettait en lumière des scandales politico-financiers français – l’affaire Elf, le nucléaire et l’armement –, Nicolas Lambert revient sur les planches pour faire jour sur le passé colonial français.

Tout part d’un devoir que sa fille doit rendre au collège : « Montrer en quelques lignes en quoi l’armée est au service des valeurs de la République et de l'Union européenne ». C’est un ancien sujet du brevet du collège (enfin pas si ancien, il date de 2017). Étonné et aussi un peu révolté par ce qu’a écrit sa fille, qui répète ce qu’elle a pu entendre en cours, il se replonge dans sa propre enfance, auprès de ses grands-parents picards, et décortique le récit national français, principalement celui qui a trait à l’empire et son démantèlement.

Le lien entre l’Histoire et l’histoire personnelle constitue la colonne vertébrale de la pièce, une nouveauté par rapport aux autres spectacles. Ici, on suit donc Nicolas Lambert dans son passé familial, son enquête, ses découvertes. Toutes ne nous sont pas inconnues et parfois l’acteur apparaît comme un peu naïf, mais ce n’est jamais trop. C’est didactique sans être lourd.

De la victoire de la Seconde Guerre Mondiale qui n’aurait clairement pas été possible sans les soldats des colonies, comme les tirailleurs sénégalais, à qui on a demandé, en gros, de ne pas accompagner l’entrée de la deuxième DB dans Paris, aux Algériens violentés et même jetés dans la Seine par la police lors de la manifestation de 1961 en passant par le Cameroun, Madagascar, le Vietnam, le Liban. Nicolas Lambert lève le voile sur ces « secrets de famille nationaux » qui ont été en quelque sorte planqués au grenier, comme les images de la guerre du grand père. Il s’interroge ainsi sur des personnalités politiques dont les noms ont pris place dans notre quotidien sans que l’on ne sache précisément leurs rôles dans l’Histoire : Leclerc, Faidherbe, Lyautey, Galliéni... Il en va de même de notre imaginaire collectif : que disent nos livres d’école, nos monuments, nos films ? L’empire et la guerre y sont évoqués, mais de nombreuses zones d’ombres perdurent.

Ce qui ressort de ces deux heures intenses, c’est la façon dont les gouvernements successifs ont préféré « repeindre en blanc » l’histoire de la France. Tout ce que Nicolas Lambert affirme est corroboré par ses discours officiels qu’il joue, et l’on retrouve ici son talent incontestable d’imitateur : le Général de Gaulle et le V de la victoire, Sarkozy et le discours de Dakar en 2007, Macron, Jean Castex, Max Bardet, pilote d’hélicoptère pendant la guerre du Cameroun. Dans sa galerie de personnages, apparaît fréquemment Maître Capello, un de ses héros, de qui il a sans doute appris l’importance de bien nommer les choses.

Que faire de cette histoire qui en incommode encore certains ? « Si c’est nous au foot, c’est nous quand on massacre » revient comme un leitmotiv et un musée de l’empire et de son démantèlement qui rendrait justice aux victimes oubliées est alors imaginé. Nicolas Lambert excelle dans ce format de théâtre-documentaire. Un cours magistral.

Ivanne Galant

 

La France, Empire

Texte, documentation, reportage, mise en scène et interprétation : Nicolas Lambert 

Collaboration artistique: Sylvie Gravagna
Création lumière: Erwan Temple

Diffusion : Anne Sophie Lombard / FAB - Fabriqué à Belleville