Entête

L’ART DE PERDRE

 

Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011 Paris
01.48.06.72.34

Jusqu’au 30 septembre 2023
Mercredi et jeudi à 19h15
Vendredi et Samedi à 21h15

 

L’Art de perdre loupe

 

 

« Je ne vais pas y arriver », c’est ce que se répète Naïma les lendemains de cuite qu’elle passe à regarder des séries. Naïma vit à Paris, travaille dans une galerie d’art, a des amants et se confie à Sol, sa colocataire. Une vie de trentenaire somme toute traditionnelle, pourtant, sa voix, ses gestes ainsi que la danse qui ouvre le spectacle laissent deviner une certaine anxiété. En effet, ce qui la hante, c’est son histoire familiale.

Naïma est la protagoniste du roman L’art de perdre (2017) d’Alice Zeniter. Naïma, Alice Zeniter et Sabrina Kouroughli, metteuse en scène et actrice sont d’origine algérienne et se posent ou se sont posées des questions similaires. C’est ce qui a donné envie à cette dernière de donner corps et voix à cette jeune femme et de mettre en scène cette quête d’identité.

Naïma n’a jamais connu l’Algérie que ses grands-parents ont quitté au moment de la guerre. Et son père né en France n’a jamais voulu l’y emmener. Son lien à l’Algérie, ce sont donc ces grands-parents qui l’accompagnent sur scène et qui l’aideront à reconstruire ce puzzle familial. Fatima Aibout dans le rôle de Yema campe une grand-mère pudique et tendre, concentrée à broder autour de sa table en formica. Sa présence est rassurante : elle est la grand-mère dans la cuisine que certains ont eu la chance de connaître. Figure de la transmission, c’est elle qui transmet son héritage algérien à Naïma par la nourriture – les makrouds sont d’ailleurs sur la table –, et par l’apprentissage de quelques mots arabes. En fond de scène, assis de dos, un homme : Issam Rachyq-Ahrad joue le grand père, à l’origine de l’exil de la famille. Il n’interviendra qu’à partir de la moitié du spectacle pour revenir davantage sur l’Histoire des harkis.

Condenser environ 500 pages de roman en une heure de spectacle est un pari. Il est ici réussi grâce à l’intelligence des choix de Sabrina Kouroughli qui a opté pour l’émotion, en insistant sur le lien entre la petite-fille et sa grand-mère. Elle a choisi également quelques moments de l’exil : l’arrivée de Yema et Ali au camp de Rivesaltes, la façon dont les fonctionnaires ont voulu imposer des prénoms français pour leurs enfants, ou encore la découverte du HLM normand. En se focalisant sur des petites scènes de vie, la pièce ne parle pas seulement de l’exil algérien mais de l’exil en général, et de la façon dont un tel héritage s’imprime et laisse des traces dans une histoire personnelle. De la douceur, une émotion à fleur de peau, un texte qui englobe l’intime et l’Histoire, avec un peu d’humour parfois… tout est réussi et nous invite à lire ou relire le texte d’Alice Zeniter.

Ivanne Galant

 

L’Art de perdre

Texte : Alice Zeniter
Mise en scène et adaptation : Sabrina Kouroughli

Avec Fatima Aibout, Sabrina Kouroughli et Issam Rachyq-Ahrad

Collaboration artistique : Gaëtan Vassart
Dramaturgie : Marion Stoufflet
Son : Christophe Séchet. 
Regard complice : Magaly Godenaire
Chorégraphie : Mélody Depretz