MARIE TUDOR

Le Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs,
Paris 6e,
01 42 22 26 50
Du mardi au -samedi : 21h30, le dimanche : 15h
du 12 octobre 2011 au 27 novembre
Relâche le 23 octobre et le 6 novembre 2011

              


Photo David Krüger

« Il y a deux manières de passionner la foule au théâtre : par le grand et par le vrai, » écrivait Victor Hugo dans la préface de Marie Tudor.

Cette phrase est ici respectée au pied de la lettre.

C'est peu de dire que le parti pris par Pascal Faber, le metteur en scène,  est réussi, n'ayons pas peur des mots, cette version touche au sublime.

Pas de fioritures inutiles : des tentures et quelques accessoires comme décor, que les jeux de lumière savamment utilisés transforment au gré des scènes en ruelle noyée de brume, en antichambre royale ou encore en cachots de la Tour de Londres. C'est d'une superbe et intense sobriété.

Rien ne permet de dater l'histoire, et on retrouve ce même souci dans les costumes d'un anachronisme étudié et très symboliques : la robe de Marie la Sanglante est rouge, celle de la jeune et innocente Jane blanche. Les hommes sont en costume de ville, les nobles arborant chacun une étole de couleur différente selon leur rang.

Cette pièce écrite en 1833 est en effet intemporelle, tant les thèmes chers au républicain Victor Hugo, les jeux de l'amour et du pouvoir, la politique, le mépris de caste sont  d'une actualité saisissante.

Le texte, puissant et dramatique, prend toute sa dimension grâce à l'interprétation d'une justesse et d'une précision extrêmes de tous les comédiens. Aucune fausse note, pas de surjeu, rien que la beauté nue des mots qui nous emmènent loin, très loin dans les méandres de l'âme humaine.

Les personnages masculins sont parfaits : Sacha Petronijevic donne la  hauteur, la morgue et la  dureté nécessaires au personnage de Simon Renard, Frédéric Jeannot est un Fabiano Fabiani sans scrupule et séducteur en diable. Pierre Azéma apporte tour à tour tendresse et douceur puis force et violence à l'ouvrier Gilbert. Les rôles du juif et maître Enéas sont joués en alternance par Stéphane Dauch et Pascal Guignard.

Mais les plus impressionnantes sont sans conteste les deux comédiennes.

Florence Cabaret, au jeu intense et retenu à la fois, incarne une Marie torturée, plus amante que reine, toute vibrante d'émotions qu'elle ne peut contenir, femme meurtrie et humiliée, forte et faible à la fois.

Flore Vannier Moreau est Jane, douce et touchante, bouleversée par des évènements qui la dépassent, elle souffre en silence et on peut lire sur son visage et dans tout son corps frémissant la violence intérieure des sentiments qui l'agitent.

La scène finale où les deux femmes suivent par la pensée la marche vers l'échafaud du condamné sans savoir s'il s'agit de Fabiano ou de Gilbert est un modèle du genre : c'est d'une intensité incroyable grâce au jeu des comédiennes, tendu à l'extrême, accompagné par les cris de la foule qui hurle à la mort, les cloches de la Tour de Londres et les trois coups de canon annonçant l'exécution. C'est d'une beauté poignante, on en sort secoué et ému, les deux comédiennes également qui ont apparemment du mal à reprendre pied dans la réalité lors du salut.

Un grand moment de théâtre.

 

Nicole Bourbon

 

Marie Tudor de Victor Hugo

mise en scène Pascal Faber assisté de Sophie Lepionnier
Lumière : Sébastien Lanoue
Scénographie : Doriane Boudeville,
Costumes : Cécile Flamand
avec Pierre Azema, Florence Cabaret, Stephane Dauch, Pascal Guignard, Frédéric Jeannot, Florence Le Corre, Sacha Petronijevic, Flore Vannier-Moreau