LES BONNES

Au Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Réservation : 01 42 22 26 50
Du mardi au samedi à 18 h 30

À l'affût permanent de jeunes troupes et de présentations nouvelles d'œuvres éprouvées, le Lucernaire a l'excellente idée d'accueillir « Les bonnes » de Genêt, monté par la Cie Théâtre A.

Inspiré par les soeurs Papin, deux employées de maison ayant assassiné leurs maîtresses dans les années 30, Genet s'est emparé de cette histoire et y a instillé ses propres préoccupations : travestissement, rituel et cérémonial, délation, mort. Il a quelque peu changé la fin et surtout immortalisé ces servantes qui « jouent » à être leur patronne. Ce jeu étrange et régulier se conclut à chaque fois par la mort simulée de « madame ». Cette fois, la mort n'a pas le temps de s'accomplir. Quelque chose s'est déréglé, avec les conséquences tragiques qui vont s'ensuivre.

« Toujours ces gants, ces éternels gants, … » dès la première réplique lancée par une des bonnes, on y est. Cela tient tant à la magie de l'écriture de Genet qu'au talent et au naturel des jeunes interprètes. Elles ont d'ailleurs ces robes simples et noires dans lesquelles une photo a immortalisé les vraies servantes. En Claire, Marie Fortuit est tout à la fois mutine et butée. C'est la cadette, mais dans cette dialectique maître/esclave, elle aussi chère à l'auteur, elle tient efficacement sa partie. Violaine Phavorin (Solange) est l'esprit pratique de l'équipe ; Elle installe, range, rappelle à la réalité, dynamisant sa cadette et se faisant obéir d'elle, jusqu'à la fin.

Odile Mallet et Françoise Le Plenier se partagent le rôle de la patronne. Nous n'avons pu voir la première mais disons que la seconde est tout à la fois féline et sophistiquée. Son impatience nous touche, comme cette condescendance quand elle offre des vêtements aux bonnes pour mieux les leur reprendre ensuite. Son jeu rythmé (surtout dans la partie policière) évoque certains films des années 50 avec Françoise Brion ou Madeleine Robinson. Il y a des pauses, de grandes enjambées « signifiantes » et cette dramatisation légèrement forcée, ce qui n'est pas forcément une critique.

Dans un décor sobre et transformable (deux lits jumeaux qui peuvent devenir un immense lit, celui de madame) des accessoires à portée de main, des lumières habiles. Sans oublier ce miroir au-dessus du lit, signe de l'importance pour chacune de son reflet mais qu'on peut aussi penser rescapé d'une maison de passe.

Serge Gaborieau et Armel Veilhan, les metteurs en scène, ont soigné leur approche : chaque nuance du travail des comédiennes (et le jeu dans le jeu, bien sûr) porte. Ils n'ont pas négligé le côté « polar » de la pièce, ce coup de téléphone de l'ami de madame, le rendez-vous qu'il lui donne vers minuit et la révélation probable de leur culpabilité à elles. On renoue, à la fin, avec le rituel du début, et on comprend qu'on ne joue plus.

Mais, chez Genet, c'est quand on arrête de jouer qu'on joue le plus.

 

Gérard NOEL

 

Auteur : Jean Genet

Artistes : Marie Fortuit, Odile Mallet, Violaine Phavorin

Metteur en scène : Serge Gaborieau, Armel Veilhan