L'HOMME  INUTILE  ou LA CONSPIRATION DES SENTIMENTS

Théâtre de la Colline

Théâtre national

15, rue Malte Brun

75020 Paris

01 44 62 52 52

Grand Théâtre

du 09 septembre 2011 au 08 octobre 2011

du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

 

© Élisabeth Carecchio

 

Il fallait s'appeler Bernard Sobel, avoir monté Ostrovsky ou Volokhov pour avoir l'idée d'exhumer Iouri Olecha, un autre Russe qui eut son heure de gloire dans les années 30. Son style emprunte au burlesque et à la fable, qu'on en juge : « l'homme inutile » voit s'affronter deux frères, l'un tenant du productivisme et du communisme, l'autre, un doux rêveur en tient pour l'individualisme et surtout les sentiments, comme le souligne le sous-titre. Ce Coluche avant la lettre en appelle aux fainéants, aux crasseux, aux alcoolos, …tous ces mal aimés, ces rebuts d'un système communiste auprès duquel ils ne sont pas, si l'on ose dire, en odeur de sainteté.

On pourrait craindre une réflexion indigeste  sur une période lointaine qui ne nous touche plus mais c'est tout le contraire : Bernard Sobel, toujours inspiré, nous a concocté un spectacle savoureux. Dès les premières minutes, au moment  où apparaît Andréï, le frère producteur de saucisson, on y est. On a le sentiment que tout va fonctionner et on se délecte à l'avance de ce mélange de naïveté et de rouerie. Il y a du Tchekhov là-dedans, (un des personnage s'appelle Vania) un peu de Molière également avec cet oncle amoureux de sa nièce adoptive. La structure de la pièce est en AB, BC, CD, où l'on retrouve dans une scène un des personnages de la scène précédente jusqu'à ce que l'intrigue se noue véritablement. Elle éclate, bien sûr avec l'arrivée du frère barbu et poivrot, coiffé d'un chapeau melon et porteur de son oreiller.

Se mêlant des affaires des autres, anti-gourou inspiré, il cherche à réunir autour de lui un jaloux, un désespéré, un orgueilleux, …chacun porteur ou porteuse de sentiments humains.  Sa route croisera Kavalerov, un jeune raté recueilli par son frère entrepreneur et lui aussi amoureux d'Anna, la nièce adoptive. Chemin logique pour l'époque, le jeune homme pas dans la norme se retrouvera en hôpital psychiatrique. Là, une sorte de conspiration interne l'enverra essayer de tuer Andreï. Même si la fin de la pièce (sans entrer dans les détails) est teintée de mélancolie, l'ensemble est plutôt truculent. Raccourcis, jeux de mots, il y a de nombreuses trouvailles de texte : à un moment, on évoque « Boris Shakespeare » et un des personnage assène : « Vous êtes à deux doigts de commettre une action non communiste ! »

 

Bravo aux comédiens, qu'il s'agisse, entre autres, de Claude Guyonnet, Romain Pellet ou Ludmilla Dabo.  Nous garderons pour la bonne bouche Vincent Minne,  plus que convaincant en Kavalerov..

Dans le rôle d'Andreï, Pascal Bongard, lui, est étonnant. Il se montre tout à la fois  pitoyable ou triomphant, pontifiant en patron et touchant en amoureux. Qu'il fasse des exercices de gymnastique, qu'il boude ou se transforme en représentant de commerce à canotier, il fait mouche à tous les coups. Terminons par John Arnold, matois et grandiose sous le chapeau melon d'Ivan.  Un spectacle à recommander, et comment !

 

Gérard Noël

 

L'homme inutile ou La conspiration des sentiments
de Iouri Olecha

mise en scène Bernard Sobel

 

avec

Amine Adjina, John Arnold, Pascal Bongard, Éric Castex, Ludmilla Dabo, Magalie Dupuis, Claude Guyonnet, Sabrina Kouroughli, Vincent Minne, Romain Pellet