FESTIVAL DE SAINT-CÉRÉ – Jour 1

Festival de Saint-Céré

Château de Curemonte
Repli Salle des Fêtes
Bétaille

Vu le 7 aôut 2014

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Après les festivals de Grignan, Avignon, Turin, nous nous rendons à celui de Saint-Céré dans le Lot, occasion de découvrir une superbe région, les œuvres étant données dans des lieux différents, liant ainsi spectacle vivant et patrimoine historique.

Le premier soir, nous nous rendons au Château de  Curemonte distant d'une quarantaine de kilomètres où doit se jouer le  Péguy/Jaurès, la guerre et la paix.

 

Coup de cœur déjà pour le lieu : encadré par un paysage grandiose où se détache en ligne de fond l'ombre mauve des monts du Massif Central, le village offre une architecture unique avec, regroupés en son centre pas moins de trois châteaux, trois églises et nombre de maisons nobles aux murs de pierre nimbés de reflets dorés. Un enchantement, qui donne tout son sens à l'expression « d'une beauté à couper le souffle ».

Pour la petite histoire, signalons que deux des châteaux, réunis à l'intérieur d'une même enceinte, appartinrent en 1940 à la fille de l'écrivain Colette, celle qu'elle nommait Bel Gazou.

Las, le temps pluvieux oblige à un repli dans la salle des fêtes d'un village proche, Bétaille. Dommage pour le cadre.

Mais nous oublions vite ce désagrément tant le spectacle nous saisit, nous emporte, nous bouleverse !

 

PÉGUY / JAURÈS – La guerre et la paix

 

Un texte d'Evelyne Loew, superbe, dense, habilement construit, mêlant propos inventés et citations, et qui donne envie de le lire ensuite tant la durée d'un spectacle est trop courte pour en appréhender toute la richesse.

Une mise en scène de  Benjamin Moreau, nerveuse, dynamique, utilisant astucieusement  comme décor de simples chaises qui deviennent partie intégrante de l'histoire.

 

Et surtout deux comédiens immenses, stupéfiants, prodigieux, qui se jouent avec aisance de la difficulté d'incarner chacun deux personnages, dans des temps différents, aujourd'hui deux hommes passionnés l'un par Jaurès l'autre par Péguy, et qui parfois se prenant au jeu deviennent, autrefois,  ces deux grandes figures du socialisme, ces amis ennemis,  les rendant terriblement vivants.

Celui qui voulait la paix, celui qui n'y croyait pas.

Patrick Zimmermann se métamorphose alors en un Jaurès  tribun redoutable et génial, pacifiste convaincu, croyant en la vertu de la diplomatie.

Bruno Blairet campe lui un Péguy violent, entier, anarchiste, colérique, nationaliste, n'acceptant aucune compromission, pourfendeur d'un socialisme qui selon lui a perdu son âme.

Ils jouent tous deux avec passion tout en gardant la distance nécessaire qui nous permet de sourire parfois.

Le public est totalement embarqué, tellement que lorsque Blairet/Péguy raconte l'Internationale lancée comme un grondement par les ouvriers grévistes, c'est toute la salle qui l'accompagne, bouche fermée. Magnifique instant. Magie du spectacle vivant.

Les scènes se succèdent, clins d'œil, disputes, colères, discours, en un fleuve tumultueux qui nous submerge. Et nous laisse admiratifs en même temps qu'effarés, atterrés.

Car ce faisant, s'ils nous font revivre toute une période de l'Histoire ce n'est pas hélas sans résonnance avec la nôtre, une époque de transition, où l'argent domine tout, où les spéculations financières ébranlent tout un système, avec des répercussions économiques, géopolitiques, sociales.

Et la haine insidieuse qui s'infiltre.

Avec cette parole, terrifiante, à ne pas oublier :

« Il y aura toujours des hommes pour écouter les paroles de haine. »

Nicole Bourbon

 

Péguy – Jaurès La guerre et la paix

Auteur Evelyne Loew

Mise en scène Moreau Benjamin

avec Bruno Blairet,  Patrick Zimmermann

 


Photos Claude Bourbon

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