NOUS SOMMES LES OISEAUX DE LA TEMPÊTE QUI S’ANNONCE

hTh - CDN de Montpellier

21 et 22 février 2017 / 20h00

Scène nationale de Narbonne / Théâtre et Cinéma

24 février 2017 / 20h00

 

 

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce loupe 

Une ébullition traverse le plateau vide, seulement limité par un immense panneau mobile. Cela commence par des petits bouillonnements de révolte, un glacis d’injustice et d’horreur qui fait frôler la mort puis une fièvre d’indignation, de cris, de démesures qui finit par tout emporter telle une explosion de vie, de vitalité et de sensualité.

« Nous sommes les oiseaux de tempête qui s’annonce » est une traversée à la fois chronologique et horizontale des mouvements d’indignations qui ont secoué le monde ces dernières années. C’est surtout un projecteur tourné vers une jeunesse qui refuse les compromis inacceptables et les violences que la société moderne leur propose, pour mieux entendre la parole de l’insoumission qui est l’étincelle nécessaire à toute liberté.

On pense aux indignés, au printemps arabes, aux Nuits Debout. On assiste en direct sur une scène devenue soudain haut lieu de revendications, de slogans jetés sur les murs, de banderoles, de colères clamées dans un brouhaha et des pétarades qui font plus penser à une fête énorme qu’à une guerre en puissance. Et cet esprit de fête, né tout droit de cette soudaine liberté d’exprimer ses désirs, ses rages et ses revendications, rend le spectacle frénétique. Scène et salle s’emplissent de sons, de musiques, de clameurs, de fumée, de slogans et de couleurs.

Hélène Soulié, metteuse en scène et conceptrice du projet, annonce avec force pour ce spectacle qu’il sera question de femmes, d’amour, d’homosexualité, de politique, d’acte d’écriture et de faire exploser tous les carcans de pensées et les symboles. Un éventail large, riche, fourmillant de thèmes et d’énergie. Une énergie nécessaire déployée pendant plus de deux heures par des interprètes qui n’en manquent à aucun moment.

Elles sont cinq comédiennes et trois comédiens pour incarner les différents personnages qui traversent cette épopée. Une histoire qui débute avec l’intime douleur et l’immense gâchis subi par deux jeunes femmes devenues amies dans un groupe de parole pour victimes de violence. Chacune d’elle a été violée. Chacune a vu sa vie brisée par ce crime et l’injustice qui y a fait suite. Ce sont elles et une troisième jeune femme qui nous allons suivre dans cette aventure qui est comme une renaissance, une chrysalide qui se déchire pour que leurs existences puissent à nouveau s’envoler en refusant la norme, l’ordre établi. De quasi-mortes à l’avenir et au désir, réfugiées dans le cocon protecteur de la fiction cinématographique (une constante référence à des films des années 60/70 parsème le texte, référence peut-être à l’esprit régnant dans la jeunesse soixante-huitarde ?), elles vont se mettre à exister à nouveau, aimer et s’exprimer dans des actions de révolte des Nuits Debout. 

Les lumières léchées de Maurice Fouilhé servent parfaitement les déplacements dans les différents lieux (Hôpital, rues, Paris, Rome, appartement bourgeois…). Elles sont particulièrement belles lors de la scène de l’hôpital où l’une des jeunes femmes, Émilienne, plongée dans un coma suite à un arrêt cardiaque, le buste nu, se met soudain à ressembler aux peintures de la renaissance représentant le martyr de Saint Sébastien percé de flèches avec ce trouble esthétique qu’il porte : moitié mortification, moitié sensualité.

Par moment, la pièce quitte le domaine de l’immédiat, du documentaire et de l’interactif pour devenir fable, conte contemporain où les héros parcourent les pays et les capitales au lieu de forêts et de lacs, mais se perdent tout de même et se retrouvent toujours, un peu plus blessés mais un peu plus déterminés.

Un spectacle qui, pour cette première représentation, a paru un peu long par moment, pour un texte qui parfois disparaît dans les ambiances musicales ou une scansion un peu systématique comme si chaque déclamation était noyée par un excès d’émotion pas vraiment nécessaire.

L’étrange sentiment qui reste après cet hommage à une jeunesse qui refuse la soumission à l’injustice de nos sociétés de plus en plus en plus inhumaines, est que cette révolte sans revendication politique formelle semble porter en elle-même ses propres limites, comme si elle avait décidé de se contenter de crier sa rage sur les murs sans aller jusqu’à les faire tomber. Une révolte d’idée peut-être, mais un mouvement qui mérite d’exister, salutaire et bienfaisant.

Bruno Fougniès

 

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce

D’après le roman de Lola Lafon
Adaptation Magali Mougel & Hélène Soulié
Conception & Mise en Scène Hélène Soulié
Dramaturgie Magali Mougel
Scénographie Emmanuelle Debeusscher
Costume Catherine Sardi
Lumière Maurice Fouilhé
Vidéo Maïa Fastinger
Son Jérôme Moisson

Avec
Lenka Luptakova, Solenn Louer, Audrey Montpied, Claire Engel, Zoé Poutrel, Cantor Bourdeaux, Jérôme Denis et Jean-Marc Hérouin

 

Spectacle programmé dans le cadre de BIG BANG du 21 février au 3 mars à hTh (Grammont) et au Théâtre d’O

Pour ce Big Bang, les compagnies de la région proposent leurs visions singulières, éclatées, inquiètes, qui parlent du monde et au monde, qui l’interrogent et proposent des moyens de le percevoir autrement, de le refaire. Chacun à leur manière, les artistes de Big Bang tracent un chemin entre actualité et histoire, entre destin intime et dérive du monde.

Bruno Geslin crée Parallèle, Alain Béhar et la compagnie Quasi présente Les Vagabondes,

Julien Bouffier et sa compagnie Adesso e sempre donneront un projet entre documentaire et fiction : Le quatrième mur. Marion Guerrero (Cie Tire pas la Nappe) mettra en scène Tumultes de Marion Aubert. Et Mathias Beyler et Stefan Delon s’interrogent dans μελαγχολία (melankholía) sur la grande maladie du monde occidental qui en fait aussi son génie, la mélancolie.

 

Mis en ligne le 24 février 2017