PAULINA

Le Sham’s
25, rue Saint Jean Le Vieux 
84000 – Avignon
 +33 (0)7 68 61 84 45

 du 5 au 28 juillet à 22h
 (relâches les lundis)

 

Paulina loupe 

Elle apparaît. Elle tourne en rond sur la scène, avant même le début du spectacle. Elle porte un chapeau, un pagne, un soutien-gorge. Ce qui nous frappe, c’est son corps, portant des traces de coups, balafré de toutes parts.

Le spectacle débute, dans un noir silence. Elle, c’est Paulina, une mexicaine, enlevée, violée, assassinée en 2008 à l’âge de seize ans ; Elle, c’est Paulina, une des nombreuses victimes du féminicide mexicain. Des femmes assassinées parce qu’elles sont femmes, dans une violence extrême et en toute impunité, au Mexique et dans le monde entier. 

Sa voix, déchirante, nous guide à travers ce voyage au cœur du désamour, de la violence, de la barbarie :  « Mon cœur vit et je mets mon esprit dans vos vies », nous dit-elle. Une violence dans les mots, une violence dans les actes perpétrés par des hommes bestiaux, indignes de porter le nom d’hommes. Une barbarie à visage humain, pour reprendre le titre du célèbre essai de Bernard-Henri Lévy… ou même inhumain !

Paulina est tombée, par amour, et sans même s’en rendre compte dans les griffes d’un pervers. Cet homme qu’elle aimait a commencé à la traiter comme une pute, comme une merde, en alternant caresses et raclées, les mots les plus beaux et les plus nauséabonds. « Quand tu ne sais pas su tu as droit à la caresse ou à la raclée, tu deviens cinglée. Tu te prends pour un détritus. » Elle s’incline, elle ne proteste pas, elle demande pardon tant de fois ; elle se dégoûte par son corps, son visage, ses cheveux, sa façon d’être. Une situation que vivent hélas tant de femmes !

Elle nous parle de cette femme, qui lui ressemble, cette femme enfermée dans une chambre d’hôtel à Venise, qui tchate, se fout à poil devant une webcam. Une pute gratuite et sans visage. Entre deux phrases obscènes, l’homme lui dit Ma chérie, Mon amour. « Quand t’as pas d’amour véritable, tu prends ça comme un succédané d’amour ; c’est comme si l’on t ‘aimait ! »

Cette pièce adaptée de La Maison de la force d’Angélica Liddell, intelligemment mise en scène par Jessica Walker, est jouée avec brio par la jeune actrice Clémence Caillouel. Avec son visage souvent décomposé, sur le point de s’effondrer, avec son jeu d’une rare, d’une éloquente puissance, elle incarne, et mieux encore, elle est la souffrance des femmes battues ou assassinées. Comme droguée à la douleur, psychologique et physique, elle nous conduit aux limites de l’acceptable, et nous pousse à nous interroger sur une violence que l’on ne voit pas toujours ou que l’on sous-estime. Et l’on souffre avec elle !

Ce spectacle est un cri de détresse, Ô combien dérangeant et nécessaire, quand l’on sait que rien qu’en France 74 féminicides - récent néologisme pour rendre compte d’une effrayante situation - ont été commis depuis le début de l’année.

La seule issue est de continuer à dénoncer les violences faites aux femmes ainsi que le fait magistralement cette pièce, et d’agir en conséquence sur un plan politique, judicaire, éducatif pour que ces situations cessent. L’affaire Weinstein et ses suites nous montre que les choses peuvent changer peu à peu, à condition que tous les acteurs soient sensibilisés et se mobilisent. Paulina, une pièce qui nous saisit, jusqu’au tréfond !

Fabrice Glockner

 

Paulina

D'après Angélica Liddell
Metteuse en scène : Jessica Walker

Avec : Clémence Caillouel

 

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Mis en ligne le 7 juillet 2019