AU BONHEUR DES VIVANTS

Théâtre des Lucioles
10, rempart Saint Lazare
84000 Avignon
+33 (0)4 90 14 05 51

Jusqu’au 29 juillet à 10h20,
relâches les 17 et 24 juillet

 

Au bonheur des vivants loupe 

L’esprit jubilatoire et ludique fuse de chaque scénette de ce spectacle qui mêle illusion, contorsion, théâtre d’objet et clown. On ne sait pas trop à quoi s’attendre. Tout commence par un immense bureau garni de tiroirs multiples sur lequel un accessoiriste pose un gros carton. De ce carton vont surgir les deux personnages de la pièce. Comme s’ils y habitaient. Comme s’ils venaient de naître. Comme s’ils venaient eux-mêmes du monde inanimés pour prendre forme et vie sous nos yeux.

Deux personnages dont l’un est le fils direct des personnages naïfs de mimes, tel Bip du mime Marceau, l’autre est un clown, cousin germain des Augustes des générations passés. Deux innocents, prêts à s’étonner des évidences et à ne pas être surpris par l’étrangeté, qui vont évoluer dans une série de tableaux : le bureau vu comme un monstre prêt à happer dans ses tiroirs labyrinthiques tout ce qui bouge, les plaisirs de la paternité avec les aventures extravagantes d’un bébé marionnette plus vrai que nature, et les plaisirs d’un bon fauteuil dans son chez soi… plaisirs magiques… mains qui bougent seules, corps en pièces détachées, illusions, prestidigitations, farces….

Cécile Roussat et Julien Lubek construisent un univers à mi-chemin entre magie et monstruosité. Ils prennent au mot les activités humaines pour les rendre visibles. C’est un monde auquel leurs personnages se heurtent sans cesse, car ici les objets sont vivants : les tiroirs avalent des feuilles, des bras, des plumes et recrachent des colombes, les cartons volent dans les airs, les oursons en peluche sont protégés par de vraies mamans ourses, les fauteuils gobent les choses et les gens, les pères noëls tombent du traineau… une fantaisie qui ne cesse de se déployer sur un rythme frénétique.

Ce sont des bribes d’histoires que les deux personnages, chacun avec leurs facéties personnelles, vont vivre différemment. Parfois s’opposant, parfois se servant l’un l’autre, ils exposent une sorte de catalogue de l’existence humaine passant du bureau, à la famille, au plaisir du repos vespéral…

Julien Lubek évolue dans le registre du mime, presque sans un mot, le corps souple, précis, suggestif, son personnage se heurte frontalement aux angles coupant des objets et du monde réel. Cécile Roussat crée un clown beaucoup plus inscrit dans la réalité. Ses exclamations toujours en rapport avec le monde contemporain nuisent un peu au rêve comme si il était absolument obligatoire de faire preuve de lucidité. Une lucidité pas vraiment nécessaire à mon sens.

De ce déferlement qui joue beaucoup de l’accumulation, chacun gardera l’image ou les images qui l’auront le plus marqué car il y en a beaucoup et chacun peut y trouver son compte. Pour la part de rêveur qui est en moi, c’est le vol du carton dans les airs qui restera dans ma mémoire. Un très beau moment en suspension.

Bruno Fougniès

 

Au bonheur des vivants

De Cécile Roussat, Julien Lubek

Mise en scène & interprétation : Cécile Roussat, Julien Lubek
Manipulation : Alex Dos Santos

 

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Mis en ligne le 16 juillet 2018