OBLOMOV

Caserne des Pompiers
116, rue de la Carreterie
84000 Avignon
04 90 84 11 52

15h00

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Mis en ligne le 18 juillet 2014

Oblomov est un roman phare de la littérature russe, considéré par Dostoïevski, au même titre que les œuvres de Gogol, comme l'un des piliers de la littérature russe. Un long roman de plus de 500 pages publié en 1859. Il est tout entier la description d'un état d'âme. Un état qui a donné naissance à un concept, une qualité et une philosophie – comme Don Juan le donjuanisme, Don Quichotte le donquichottisme – il s'agit ici de l'oblomovisme.

L'oblomovisme est une sorte d'état de refus : refus de la corruption de la vie, de la laideur, de l'impureté, allant presque jusqu'au refus de cette réalité de l'existence, refus de voir et de se coltiner aux nécessités, aux obligations de l'existence. C'est pourquoi Oblomov dort. Il reste couché toute la journée. Il ne quitte pas son lit à moins d'y être forcé. Ni pour côtoyer ses congénères, ni pour chercher l'amour, ni pour avoir une action et donc une raison de vire, il passe son temps à se coucher et à rêver. Rêver d'un monde idéal, sans taches et sans tâches, un monde aux sentiments purs, dans une vie bucolique et apaisée, sans passions mais sans violence ni douleur, un monde constant et stable.

Une adaptation théâtrale d'un tel roman fleuve est obligée de faire des choix. L'adaptation de Dorian Rossel s'attache aux passages susceptibles de faire comprendre la philosophie de ce personnage en le mettant aux prises avec le monde qui l'entoure et ne cesse, soit par intérêt, soit par amour, soit par amitié de le faire sortir de cette léthargie volontaire.

Un plateau nu, recouvert de tapis, vaste comme un lit immense. Le spectacle est construit en boucle. Cela commence sans préambule, par la fin. On est plongé directement dans l'histoire dès la première réplique, proche à pouvoir toucher les personnages du bout des doigts. Dans un mise en scène parfois chorale, parfois découpée en scènes plus intimes, on suit parfaitement l'existence de ce personnage qui voit sans s'émouvoir son monde lentement s'écrouler autour de lui, par faute de s'en occuper.

La distribution, un peu inégale, rattrape ses faiblesses par un bel investissement et une cohésion totale.

Trois personnages principaux sont un peu le squelette de ce roman. Oblomov, Astrov, son ami, à l'antipode de ses idées, un entrepreneur qui ne croit qu'en l'action, le travail, la volonté et Olga, l'amoureuse d'Oblomov qui finira par épouser par raison l'ami Astrov. Trois personnages que les comédiens ont chargé d'une très juste authenticité et d'une parfaite distance comique.

Peut-être qu'il échappe à l'esprit français un peu trop cartésien, une part de mysticisme si forte dans la culture russe. Ainsi, cet Oblomov paraît-il plus misanthrope que poète ce qui lui fait perdre un peu de l'attachement qu'on doit d'apporter à ces personnages qui sont des héros de leurs propres combats intérieurs.

Pourtant, le discours de ce texte, le dégoût de toute cette violence du monde, l'envie irrépressible de fermer ses yeux et de se boucher les oreilles nous parle si fort aujourd'hui quand chaque jour les nouvelles d'un monde qui se déchire (que ce soit pour aujourd'hui en Palestine, en Ukraine ou ailleurs) nous parle si fort que c'est un texte salutaire qu'il faut absolument aller entendre.

Bruno Fougniès

 

Oblomov

d'après d'Ivan Gontcharov
Mise en scène : Dorian Rossel 

Avec : Rodolphe Dekowski, Xavier Fernandez-Cavada, Elsa Grzeszczak, Jean-Michel Guérin, Fabien Joubert, Delphine Lanza, Paulette Wright 

Régie : Elie Romero 

 

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