LA LEÇON

Théâtre Alizé
15, rue du 58è R.I.
84000 Avignon
04 90 14 68 70

16h00

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Mis en ligne le 18 juillet 2014

La Leçon

Dès les premières secondes, voici l'Absurde, cette folie raisonné et signifiante que Ionesco a hissé au rang d'Art drôle, corrosif et tragique à la fois.

Il est là tout entier à l'apparition sur un plateau presque nu d'un violoniste au visage d'aigle qui joue quelques notes d'un tango. Il éclate dans les secondes qui suivent à l'entrée de la bonne, serrée dans sa petite robe noire, le regard dur et fier, les reins cambrés comme un toréador, les jambes qui soudain s'animent, s'enroulent et se tendent, saisis par la musique. Et l'on sonne à la porte. Mais rien ne presse, les jambes s'enlacent  à nouveau jusqu'à ce qu'on sonne encore, et elle daigne finalement ouvrir : c'est l'élève qui arrive, le professeur ne va pas tarder à descendre, la Leçon va commencer.

Hélène Laurca a eu une idée incroyable, d'une justesse et d'une force sublimes, d'intégrer Jérôme Duchemin, violoniste alto, au trio tragique que forment les personnages de Ionesco. Non seulement parce qu'il apporte avec lui l'univers du tango qui va tout au long du spectacle accompagner et même provoquer l'inéluctable, mais aussi parce sa présence sans texte dans le bureau de ce professeur, aussi incongrue soit-elle, ne surprend aucun des protagonistes. C'est en fait un personnage entier créé là, un personnage inquiétant, au sourire vaguement diabolique, qui semble narguer chacun et se réjouir des péripéties de la pièce. Une perle que ce musicien présent de bout en bout, expressif comme un personnage de film muet, qui dirige les corps de tout le monde du bout de son archet comme s'il était le maître des pulsions interdites, des désirs sauvages et de la fatalité.

D'un coup, ce texte qui sonne déjà naturellement comme une dérive étrange d'un pouvoir emporté par sa propre puissance vers la folie destructrice, ce texte est comme magnifié par l'intrusion du tango. Une relecture époustouflante.

Mais l'idée seule n'aurait pas suffi sans un travail inventif et du talent. La chorégraphe Sabine Fontbonnat  a écrit une partition fine, précise, énergique pour intégrer les pas et les figures du tango dans ce spectacle. Ils sont comme tricotés au texte, fulgurants, parfois drôles, parfois inquiétants, et prennent possession des corps des interprètes malgré eux sans jamais parasiter la trame.

Et quel travail des trois comédiens… Célia Clayre est une élève d'une drôlerie, d'une impétuosité communicative dont les qualités de chanteuse lyrique sont utilisées juste comme une flammèche étincelante. Laurent Thémans donne au professeur une vibration qui apporte étonnamment à son personnage une humanité que les autres n'ont pas. Carole Brossais invente une bonne magnifique tant dans la tenue, le jeu et une présence qui irradie la salle à la moindre de ses apparitions.

Ce spectacle est un bijou, un cadeau, une leçon.

Bruno Fougniès

 

La Leçon

Metteur en Scène : Hélène Laurca 

Avec : Laurent Thémans, Carole Brossais, Célia Clayre, Jérôme Duchemin 

Chorégraphe : Sabine Fontbonnat 
Costumière : Janie Loriault 
Régisseur : François Leneveu 
Graphiste : Anne Audigier 
Photographe : Olivier Martinez 

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