TENDRESSE À QUAI

Au Studio Hébertot
78 Bd des Batignolles
75018 Paris.
01 42 93 13 04

Jusqu’au 18 novembre 2018
du mercredi au samedi à 21h.
Le dimanche à 14h30.

 

Tendresse à quai loupe 

Ne soyons pas trop critiques envers les jeunes auteurs dramatiques... et Henri Courseaux en est un, bien qu’il ait déjà pas mal roulé sa bosse. Il a tout fait : de la télévision, du cinéma, de la radio, du doublage, du one-man, comme on dit, il a même chanté. Ici, on le découvre auteur et interprète d’une pièce à deux comédiens mais avec une floppée de personnages.

La situation de départ : un homme, un écrivain ex-prix Goncourt,  attend un train et note des choses sur une jeune femme qui attend elle aussi. Il rêverait de la prendre dans ses bras... juste pour la tendresse, un hug, comme disent les américains. Brémont-Courseaux est donc l’auteur et nous fait partager une pièce qui semble s’écrire sous nos yeux. Nous la retrouvons, elle. Elle est dans les ressources humaines mais on vient de la virer. Elle va sonner chez Brémont... en quête elle aussi, de tendresse.

De là, nous allons assister à des variations sur le thème du théâtre dans le théâtre (Pirandello n’est pas loin) avec un curieux mélange d’ancien, Anouilh est convoqué et ce n’est pas pour rien et de moderne : Brémont est une sorte de Guitry à écharpe... et il s’appelle Léon ! Elle fonctionne, c’est de son âge, avec Facebook et Insta. « Est-il un vieux réac, un vieux con ? » elle s’interroge et on la comprend. Mais un texte écrit par lui et mis sur Facebook est abondamment "liké". Il la prend enfin dans ses bras : « Écrivons notre histoire à quatre mains ! » propose-t-il. Par la suite, elle lui propose de la coacher comme écrivain, de "faire fructifier sa petite entreprise". Puis, (progrès oblige) nous avons droit à des variations loufoques sur la nécessité pour l’auteur actuel de trouver un "pitch". C’est assez bien vu.

La suite est un peu longue : de rebondissement en rebondissement, une fille de l’auteur apparaît, qui guigne l’héritage, bien sûr et se heurte à Madeleine (la jeune fille s’appelle Madeleine, comme chez Brel) Les changements de rôles s’accèlèrent et se renouvellent : un médecin intervient. Qui est qui ? Un leit motiv’ : « Calmons-nous ! « 

On regrette un peu que l’auteur Courseaux ait eu les yeux plus gros que le ventre : qu’il n’ait pas élagué son texte, qu’il n’ait pas suffisamment "exploité" son thème : celui de la tendresse donnée et échangée après laquelle courent les personnages. De même,dans le jeu, des moments de pause, où les personnages incarneraient vraiment ce qu’ils sont et non du jeu sur le jeu... auraient été les bienvenus.

Il reste des moments étranges, et gonflés, comme celui où l’auteur, pourvu d’ailes, entame un ballet où le rejoint Madeleine. Des trouvailles aussi : « L’adjectif est une faiblesse littéraire », « Toi, tu ne matais pas, tu me regardais ». « Madeleine, c’est Godot au féminin. »

La fin de la pièce, heureusement, vient, sinon annuler, du moins relativiser tout ce qui vient d’être dit : enfin on est pris, sans réserve, on vibre avec les personnages. L’excès d’artifices, mais n’est-ce pas le paradoxe du théâtre... atteint son but, nous concerner, nous toucher.

Excellente maîtrise d’Henri Courseaux dans le rôle de Brémont et des autres personnages masculins de la pièce (éditeur, médecin...). On applaudira surtout la découverte d’une nature, celle de la comédienne Marie Frémont. Ce qu’elle fait est toujours ressenti, toujours fin, drôle ou émouvant, c’est selon.

Elle ensoleille la soirée.

Gérard Noël

 

Tendresse à quai

de Henri Courseaux.
Mise en scène : Stéphane Cottin.

Avec Henri Courseaux, Marie Frémont

Scénographie : Stéphane Cottin
Lunièmes : Marie-Hélène Pinon
Son : Michel Winagradoff
Chorégraphie : Jean-Marc Hoolbecq
Costumes : Chouchane Abello Tcherpachian

 

Mis en ligne le 2 septembre 2018