ROMÉO ET JULIETTE

Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin
75 010 Paris
01 42 08 00 32

Jusqu'au 16 février
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 15h

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Mis en ligne le 24 janvier 2014

Roméo et Juliette
Photo Léa Crespi

 

Roméo et Juliette ! Depuis 1597, on ne compte plus les adaptations de cette pièce mondialement célèbre, jusqu'à une comédie musicale il y a quelques années.

C'est ici Nicolas Briançon qui s'en empare, grand amoureux de Shakespeare s'il en fut.

Notons au passage qu'il interpréta lui-même le rôle de Roméo en 1990 aux Nuits de Fourvière à Lyon et que dans cette distribution, Valentine Varela qui joue maintenant Lady Capulet incarnait Juliette.

S'il est quelqu'un qui connaît l'univers shakespearien c'est bien lui, il en possède tous les arcanes et il s'attache à le servir avec passion.

Dans ce Roméo et Juliette il retrouve l'essence même de ce théâtre, à savoir ce croisement de comique et de tragique, cette infraction à l'unité de ton qui était alors la règle et qu'un célèbre critique de l'époque, Thomas Rymer, reprochait déjà :
« Il désacralise le théâtre, bafoue le nom de la tragédie et au lieu de représenter les hommes et leurs mœurs, il fait de la moralité, du bon sens et de l'humanité des objets de moquerie et de dérision. »

Briançon joue à fond ce mélange et les scènes comiques abondent, alternant avec les moments dramatiques pour mieux explorer la coexistence du bien et du mal, de la joie et de la tristesse, comme dans la vie, ce qui ne laisse pas de dérouter certains, habitués à des versions plus tragiques.

Il faut pour cela de l'expérience et du talent et notre homme ne manque certes pas ni de l'un ni de l'autre. Il insuffle à l'histoire des amants maudits une énergie enthousiasmante, transposant l'action dans l'Italie des années 50, avec des personnages masculins aux allures de mafiosi, costumes noirs, cigares et Borsalino, Lady Capulet en superbes robes corolle et des musiciens en direct jouant des musiques italiennes tour à tour joyeuses ou romantiques.

Seul bémol : Les théâtres de l'époque élisabéthaine avaient pour habitude d'intercaler des numéros comiques entre les actes. C'est sans doute ce qu'a voulu retrouver Nicolas Briançon en transformant l'apothicaire en clown mais si on comprend bien l'intention, cela crée tout de même un décalage trop important à mon sens entre ce qu'on voit et ce qui se dit. Comme souvent le mieux est l'ennemi du bien.

Une des difficultés du théâtre shakespearien réside dans la multitude d'endroits où se déroulent les évènements. Elle est ici contournée et de très belle manière par l'utilisation de superbes panneaux mobiles qui suggèrent simplement les lieux.

L'autre difficulté est le jeu des comédiens. Pas facile d'être un acteur shakespearien, qui sache avec naturel respecter la prosodie du maître.

Si l'ensemble est plutôt réussi certains dans les seconds rôles ont un peu de mal créant un léger déséquilibre. Mais on est encore dans les premières représentations, cela devrait s'acquérir au fil du temps.

Ana Girardot (Juliette) allie grâce, beauté, fragilité et force intérieure, Niels Schneider est un superbe Roméo très romantique avec sa tignasse ébouriffée qui lui donne un air très rimbaldien, Valérie Mairesse (la Nourrice) nous fait passer avec un bel abattage du rire aux larmes.

Certaines scènes sont particulièrement réussies :

Les combats entre amis des Capulet et ceux des Montaigu, réalistes, très chorégraphiées, où bâtons et canifs remplacent les épées, reflétant bien la soif de liberté, le désir de s'amuser et de se libérer des contraintes propres à la jeunesse de toutes les époques.

La scène du bal, très belle, où les deux amants se cherchent, circulant entre les autres personnages transformés en statue, illustration parfaite de l'axiome « les amoureux sont seuls au monde », avec la tirade de Roméo célébrant la beauté de Juliette, dite dans un micro.

Et la scène du tombeau, éclairant de multiples bougies une Juliette gisant dans une superbe robe rouge.

Dans cette rentrée théâtrale riche en excellents spectacles, cette version surprenante mais si proche de l'esprit shakespearien est assurément à ne pas manquer.

Nicole Bourbon

 

Roméo et Juliette

Roméo et Juliette

Une pièce de William Shakespeare
Mise en scène de Nicolas Briançon
Adaptation de Pierre-Alain Leleu et Nicolas Briançon

Avec : Ana Girardot (Juliette), Niels Schneider (Roméo), Valérie Mairesse (la Nourrice), Bernard Malaka (Frère Laurent), Dimitri Storoge (Mercutio), Cédric Zimmerlin (Benvolio), Bryan Polach (Tybalt), Charles Clément (Capulet), Valentine Varela (Lady Capulet), Mas Belsito (Pâris), Pierre Dourlens (le Prince), Pascal Elso (Montaigu, l'Apothicaire), Adrien Guitton (Grégoire), Côme Lesage (Samson), Geoffrey Dahm (Balthazar), Éric Pucheu (Abraham), Ariane Blaise, Marthe Fieschi, Noémie Fourdan
et les musiciens : Jean-Luc Pagni, Agnès Davan, Mickaël Marty, Laurent Derache et Christian Orante

Dramaturgie Julie-Anne Roth.
Décors Pierre-Yves Leprince.
Lumières Gaëlle de Malglaive.
Costumes Michel Dussarat.
Musiques Gérard Daguerre.
Chorégraphies Karine Orts.
Combats Albert Goldberg.