Entête

REST AND WATCH

 

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie
route du Champ de Maœuvre
75012 Paris
01 43 28 36 36

Jusqu’au 27 mars 2022,
du mardi au samedi 20h30, dimanche 16h30

 

Rest And Watch loupe

 

 

Curieuse pièce : une anticipation, une projection à la fois sociale et intime dans le futur. Un mélange de Marivaux (de "l'Île des esclaves")... et de Romain Bouteille auquel ressemble d'ailleurs un des comédiens.

Saluons l'effort : ce n'est pas si fréquent que le théâtre tente de s'élever au-dessus des constats amers ou bien des tranches de vie tristement individuelles.

L'auteur-metteur en scène imagine donc deux enfants qui naissent en 2020. Le père de l'un d'eux, Guillaume, meurt prématurément. Nous retrouvons, en 2055, ces deux garçons, leurs mères et Jean, le père de l'un d'entre eux.

2055 est apocalyptique : bombe ou épidémie, le reste de l'humanité a disparu... ou semble avoir disparu. Les cinq vivent en Bourgogne, dans une sorte de phalanstère idéal : les jeunes ont des aspirations légitimes, sortir, connaître des filles, tandis que les parents ne font rien. Mais vraiment rien, si ce n'est guetter les grenouilles et les faisans, regarder pousser les plantes et verdir les arbres. Rest and watch : repose-toi et regarde. C'est un système qu'ils ont élaboré il y a vingt ans et quelques et ils s'y tiennent. Hélène et Jean, filent le parfait amour, Jacinthe vivote et son fils Serge, qui se veut comédien,se dispute fréquemment avec Aliocha, l'autre garçon, parce qu'il ne peut s'empêcher de changer des "trucs" dans les pièces que celui-ci écrit et qu'ils montent tous les deux. La question  du sexe revient très fort : chacun désirant, faut de mieux, la mère de l'autre, tandis que la question de son "vrai" père taraude chacun. Racine n'est pas loin ...

En fait, si cette pièce est étrange, c'est juste qu'elle modélise et plaque une problématique très "soixante-huitarde", le fameux "ne rien faire  et ne surtout pas jouer le jeu de la société de consommation" en 2020. On se croirait, pour un peu, dans le film collectif (mais réalisé par J. Doillon) L'An 01.

Au-delà de toutes ces considérations, l'auteur mène plutôt bien sa barque : on suit ces personnages, on partage leurs vies, la petit musique anti-capitaliste tourne rond et nous interpelle.

Une trouvaille, celle des apparitions du fantôme de Guillaume, le père disparu : cela se fait en vidéo (qui, pour une fois, se justifie) dans des décors champêtres et les dialogues qu'il noue avec son puis ses fils sont du meilleur effet.

La fin du spectacle vire au conte, mais qui s'en plaindrait ? Le tout est agrémenté de chansons, plutôt bien venues.

La mise en scène est fluide, les costumes où domine l’orange (couleur ésotérique s'il en est) participent au côté zen-baba cool de l'ensemble.

Les comédiennes et comédiens tirent, chacun à leur façon, leur épingle du jeu : Jacinthe Cappello existe par ses élans et sa composition finale de vieille femme. Hélène Marchand, imprime sa marque en amoureuse et mère dépassée. Les deux fils (Thomas Bleton et Guarani Feitosa) sont très bien. Philippe Le Gall, par son jeu en forme de non-jeu est toujours juste et surprenant.

Un spectacle jubilatoire, donc. Et qui fait réfléchir.

Gérard Noël

 

Rest And Watch

Texte et mise en scène : Jean Bechetoille

Avec : Thomas Bleton, Jacinthe Cappello, Guarani Feitosa, Philippe Le Gall, Hélène Marchand

Musique : Guillaume Bosson
Scénographie : Caroline Frachet
Vidéo : Adrien Selbert
Lumières : Véra Martins
Son : Antoine Herniotte

Costumes : Léa Forest