LOVE, LOVE, LOVE
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple
75011 PARIS
01 48 06 72 34
Jusqu’au 29 décembre 2018, 
      les mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 21h15 
En trois périodes, année 1967, 1990 et 2011, l’auteur anglais Mike Bartlett raconte l’épopée de vie d’un couple d’anglais issu de la mouvance baba cool. « All You Need Is Love », l’hymne romantique des Beatles, sert de socle à cette histoire d’amour sur un fond de critique acerbe de la génération post-soixante-huitarde, décrite ici avec cruauté mais aussi avec une sorte d’envie, de jalousie pour une époque idéalisé, qui donnent au spectacle toute son humanité.
C’est le ton ironique et distancié, un ton classique pour une partie des écritures dramatiques anglaises, qui donne tout le sel à ce spectacle. Des répliques sans concessions pavent toutes les scènes. Les personnages dans leurs fiers égocentrismes sont d’une force incoercible. Les dialogues écrits dans un langage très réaliste sont autant de piques, de traitrises, de violences masquées qui sont sous-tendus par un humour jubilatoire.
La mise en scène de Nora Granovsky donne une belle dynamique à la pièce. La simplicité et une belle occupation de l’espace sont les éléments forts de ce montage. La scénographie : des décors réalistes devant un grand panneau translucide, permet de passer efficacement d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre, grâce également à des vidéos judicieuses. Et l’on se sent proche de ces quatre interprètes qui jouent les différents personnages et surtout les différents âges du couple que l’on suit de 17 à plus de 60 ans. Des interprétations très belles, très réussies, qui rendent crédible ce vieillissement (ou au contraire ces rajeunissement) sans avoir besoin de grimage, postiches et surjeu. Si cela peu troubler les adorateurs du réalisme, cela me semble au contraire un aiguillon supplémentaire et un plus pour l’écoute du texte.
On peut dire sans vouloir polémiquer que Mike Bartlett n’a absolument rien compris aux changements sociaux, mentaux et moraux provoqués par la jeunesse des années soixante, et de ce vent de liberté d’esprit et de mœurs qui bouleversa le monde occidental. Ce n’est d’ailleurs pas l’objet de la pièce qui n’est pas politique. Il extrait juste de cette époque fantasmée des personnages caricaturaux qui ne pensent qu’à la défonce et à la baise, rien d’autre. Un homme et une femme qui deviennent parents, anciens hippies devenus bons bourgeois mais avec un esprit libéral qui sème le désordre dans l’éducation des enfants.
Et c’est cela qui tient la pièce en haleine : l’espèce de fascination pour ces deux-là, aussi cérébraux qu’animaux, qui ont tiré leur épingle du jeu social et économique, sans écoper des problèmes de consciences dont la génération suivante est victime. Bref, de splendides exemplaires merveilleusement égocentrés.
Bruno Fougniès
Love, Love, Love
De Mike Bartlett 
  Traduction : Blandine Pélissier & Kelly Rivière 
  Texte publié aux éditions Actes Sud-Papiers
  Mise en scène : Nora Granovsky 
  Création vidéo et Scénographie : Pierre Nouvel 
  Création sonore : Antoine Pesle 
  Lumières : Fabien Sanchez 
  Costumes : Nora Granovsky 
  Régisseur général : Benoît André 
Avec : Émile Falk-Blin, Jeanne Lepers, Bertrand Poncet et Juliette Savary
Mis en ligne le 9 décembre 2018