LETTRE D'UNE INCONNUE

Théâtre André Malraux
Place des Arts
92500 Rueil-Malmaison
01 47 32 24 42
Le vendredi 8 février 2013, à 20h40.

"Lettre d'une inconnue" est une nouvelle de Stefan Zweig publiée en 1922 qui raconte l'histoire d'une confession écrite par une femme. Celle-ci avoue son amour obsessionnel à un écrivain qui croit ne jamais l'avoir connue et avec qui il a pourtant eu un enfant.

Bien servie par une Sarah Biasini qui donne de l'intensité et du relief à un texte a priori plus littéraire que théâtral, l'adaptation sous forme de pièce de la nouvelle de l'écrivain autrichien est néanmoins un demi-succès, pour ne pas dire un échec, tant la sobriété de la mise en scène et des effets sonores et lumineux offre peu d'accroche au spectateur.

Zweig avait pourtant livré une histoire et un thème tout à fait bouleversants de drame et de romantisme ; il y avait la place de faire quelque chose de grand, d'émouvant. Or, tout au long de cette pièce très courte (mais qui s'avère pourtant longue à suivre), on n'arrive que ponctuellement à rentrer dans la théâtralité de l'histoire et/ou la poésie du récit.

La grande taille de l'espace scénique qui n'est pas assez occupé et le caractère statique des personnages qui ne s'animent qu'épisodiquement sont clairement préjudiciables à l'appréciation de la prestation de comédiens pourtant bons et méritants, en témoigne le texte immense qu'ils auront eu à apprendre et restituer, pour le coup, sans le lire.

Même si on relève en fil conducteur la poésie d'un éclairage constellé occupant la scène comme l'âme de l'héroïne défunte occuperait le firmament étoilé, globalement, le défaut cruel d'ingrédients propres au théâtre dans ce qu'on qualifiera de "conte animé" tend à faire de ce spectacle sans ferveur  au mieux, une mélodie sympathique qui laisse pensif, amusé et rêveur, au pire, une berceuse soporifique qui laisse abusé et boudeur.

Pourtant, la pièce avait bien commencé, la présence de l'héroïne surgissant du public et sa déambulation dans les travées étant la gageure de l'établissement d'une connexion et d'une interaction vivante avec les spectateurs en plus de représenter la symbolique d'un clivage physique entre elle et l'écrivain lecteur. Mais bien vite, la comédienne est montée sur scène, rompant la symbolique de distanciation, la rythmique du discours est tombée et a ralenti jusqu'à n'être plus qu'une "lecture jouée". Les longs monologues monocordes ont perdu l'auditoire qui n'accordait alors que peu d'attention, le faible volume des voix achevant de le faire décrocher malgré le passage ultérieur de dialogues plus vifs censés être prompts à raviver l'intrigue (et le public) en sommeil.

En somme, cette pièce est loin d'être mauvaise mais elle serait mieux adaptée dans un lieu de taille plus modeste où la proximité avec le public serait facilitée et où l'histoire résonnerait davantage chez le spectateur, tant au point de vue sonore qu'émotionnel. Dans une mise en scène qui ne la met pas forcément en valeur, Sarah Biasini n'en ressort pas moins comme une brillante interprète, très complète dans son rôle par l'expressivité de son corps. Son visage et sa voix traduisent bien les émotions d'une amante un brin démente dont le fanatisme romantique donne un accent bipolaire à sa psyché torturée.

 

Camille Grosjean

 

 

Lettre d'une inconnue

de Stephan Zweig
Adaptation : Michaël Stampe, sur la base de la traduction de Alzir Hella et Olivier Bournac, révisée par Françoise Toraille
Mise en scène : Christophe Lidon, assisté de Sophie Gubri

Avec Sarah Biasini et Frédéric Andrau.