LES TENTATIONS D'ALIOCHA

Théâtre de l'Aquarium
La Cartoucherie de Vincennes
Route du champ de manœuvre
75012 PARIS
Du 10 au 24 mai
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h

 Les tentations d’Aliocha

 

Adapter au théâtre un roman aussi intense que les Frères Karamazov impose à ceux qui s'y risquent de faire des choix drastiques. Véro Dahuron (qui joue par ailleurs Grouchenka) et Guy Delamotte (à qui l'on doit également une mise en scène à la fois intelligente et sensible) ont mis en avant le personnage du jeune Aliocha (David Jeanne Comello), le plus fascinant sans doute et celui auquel on peut plus aisément s'identifier parce qu'il observe les autres avec une distance critique comparable à celle du lecteur ou du spectateur. Non pas qu'il soit moins tourmenté que ses frères tiraillé qu'il est entre ses convictions religieuses et un mépris certain pour le monde et la façon dont les hommes s'y comportent. Tel est le thème central de la pièce : la liberté humaine qui porte en elle la possibilité – et donc la réalité – du péché. Le mal est omniprésent, ne serait-ce que sous la forme de la tentation à laquelle seul Dieu semble pouvoir nous permettre de résister. Mais Dieu est-Il réellement là et la foi peut-elle nous sauver ?

Du moins sa figure inversée, à savoir le père « biologique » des frères Karamazov, est-elle étonnamment absente, et ses dépravations à peine évoquées. Même s'il est constamment question de lui, il n'apparaît pas sur scène, sauf sur une première vidéo saisissante en forme de confession et sur quelques rares autres projetées en fond de scène, où on peut aussi observer les comédiens qui déambulent, qui méditent ou qui semblent perdus dans les rues d'une ville russe. Ces errances sont à l'image de ce qui se déroule dans leurs âmes déchirées entre l'innocence et la culpabilité, entre les amours, les sentiments fraternels et les trahisons, entre les questionnements existentiels et les bouteilles d'alcool censées les noyer. Chacun des frères sera suspecté du parricide, et pour cause : ne souhaitons-nous pas tous tuer le père ? Et ce simple souhait, enfoui au fond de soi ou assumé comme tel, ne nous condamne-t-il pas déjà ?

Saluons la qualité et l'homogénéité de la troupe Panda Théâtre, qui semble littéralement habitée par la puissance du roman de Dostoïevski pour en donner une retranscription si juste. La fière retenue de Katerina (Catherine Vinatier), la truculence de Grouchenka (Véro Dahuron), le désespoir d'Ivan (Gilles Masson), la frénésie de Dimitri (Timo Torikka), le caractère morbide de Smerdiakov (Anthony Laignel) et l'apparente sérénité d'Aliocha (David Jeanne-Comello), qui dissimule une vraie révolte : la palette des sentiments est riche, forte, explosive. Un moment de théâtre remarquablement beau.

 

Frédéric Manzini

 

 

Les tentations d'Aliocha

D'après Les frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski
Traduction André Markowicz
Adaptation Véro Dahuron et Guy Delamotte
Mise en scène Guy Delamotte

Avec Véro Dahuron (Grouchenka), Catherine Vinatier (Katerina), David Jeanne-Comello (Aliocha), Anthony Laignel (Smerdiakov), Gilles Masson (Ivan), Timo Torikka (Dimitri).

Décor Jean Haas
Costumes Cidalia Da Costa
Lumière Fabrice Fontal
Vidéo Laurent Rojol
Son Jean-Noël Françoise
Régie générale Kévin Paniez

Durée 2h30

 

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