LES OPTIMISTES

Au Théâtre du Soleil
La Cartoucherie Vincennes
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Tel : 01 43 74 24 08
Jusqu' au 22 décembre 2012, à 20h30 les jeudis, vendredis, samedis – à 14h samedis et dimanches  

 

Accueilli pour la seconde fois par Ariane Mnouchkine au Théâtre du soleil, le Théâtre Majâz présente sa nouvelle création : « Les optimistes ».

La démarche artistique et la méthode de travail qui ont présidé à l'élaboration de ce spectacle lancent un défi à la curiosité du spectateur.

Comment aborder au théâtre un conflit brûlant depuis trois générations et dont les ravages tourmentent les mémoires des vivants d'aujourd'hui ?

Venus d'Israël, de Palestine, du Liban, du Maroc, d'Iran, d'Espagne et de France, les acteurs, auteurs et metteur en scène, tous très investis dans le projet ont enquêté à partir d'archives, de films, de témoignages, de travaux historiques ; ils se sont interrogés sur leur propre histoire, sur les notions de transmission et de silence comme héritage.

Inspirés par l'œuvre de Georges Orwell, ils ont remis en cause les vérités officielles qui imposent une version unique de l'Histoire.

Le résultat de ces recherches, mis en textes par Lauren Houda Hussein et Ido Shaked dessine un portrait de ce que Palestine et Israël pouvaient devenir, et ce qu'elles sont devenues aujourd'hui.

Le récit commence de nos jours : Samuel, jeune avocat français, se rend en Israël pour vendre la maison de son grand-père décédé qu'il n'a jamais connu. Peu à peu cette maison, encombrée d'objets et de cartons, révèle l'insoupçonnable aventure de ce grand-père, immigrant juif polonais qui s'est réfugié en « Terre-Promise » après la seconde guerre mondiale.

Dès leur arrivée dans ce nouveau pays en 1948, les grands-parents de Samuel, Beno et Malka, reçoivent une maison située à Jaffa, ville palestinienne vidée de ses habitants.

Tandis que Beno plonge avec passion dans sa nouvelle vie de pionnier, son épouse ne parvient pas à s'adapter et regagne définitivement l'Europe. Beno se retrouve seul.

Un jour une lettre arrive, écrite en arabe, une lettre qui trouble l'univers du jeune homme : les anciens habitants demandent des nouvelles de la maison, du verger, de la boutique familiale au coin de la rue.... Que répondre ?

En cinq ans, les traces du passé de cette ville mélangée où Juifs et Arabes habitaient et travaillaient ensemble, ont été effacées avec autant d'énergie que de méthode. Beno prend douloureusement conscience qu'une autre réalité existait avant son arrivée.

Contre l'oubli, il décide de se battre : avec quelques voisins il fonde un groupe de « résistants de l'imaginaire ». Il organise des échanges épistolaires interdits avec les exilés au Liban curieux du devenir de leur ville. Le succès de cette correspondance donne naissance à un journal clandestin qui relate des informations utopiques sur la Jaffa de leur mémoire ; une Jaffa dont la continuité serait à l'image de son passé.

Cette «fable » témoigne de ce qui aurait pu advenir d'une vie de cohabitation « sans histoires », et qui s'est interrompue pour être remplacée par une réalité bien différente. La mémoire des peuples est là pour attester que le Possible reste ouvert.

Sur la scène, une maison représentée par une structure en bois (sans mur, ni toit) incarne le personnage central du spectacle.

Cet astucieux dispositif permet aux acteurs de jouer simultanément des scènes d'intérieur et d'extérieur, d'effectuer de rapides changements de décors et de symboliser ainsi les différents lieux et temps de l'histoire.

Ido Shaked tisse une mise en scène qui éclaire avec finesse des situations complexes et délicates. J'émettrais une petite réserve sur le rythme de certaines scènes qui gagnerait à être plus rapide et plus dynamique.

Il faut saluer la performance de tous les comédiens qui, avec émotion et humour, interprètent plusieurs rôles et font preuve d'une impressionnante virtuosité linguistique. Leur faculté de s'exprimer en hébreu, en arabe, en anglais ou en français renforce la crédibilité de chaque personnage.

Un spectacle subtil, généreux et courageux qui ne manquera pas de faire réfléchir le spectateur.

 

Nadia BAJI

 

 

Les optimistes

Texte de Lauren Houda Hussein, de Ido Shaked et de toute l'équipe
Mise en scène : Ido Shaked
Scénographie : David Buizard

Avec : Hamideh Ghadirzadeh, Sheila Maeda, Bashar Murkus, Ghassan El Hakim, Henry Andrawes, Julien Alouf, Mathieu Coblenz et Lauren Houda Hussein. Avec la participation de Christine Pasquier.

 

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