LES HEURES SOUTERRAINES

Théâtre de Paris
15 rue Blanche 
75009 Paris 
01 48 74 25 37

Jusqu’au 12 juillet
Du Mardi au Samedi à 21h00
Matinée samedi 17h00 dimanche 15h30

 

Les heures souterraines loupe 

« Les heures souterraines », ce fut d’abord un roman de Delphine Le Vigan qui connut un énorme succès à sa parution en 2009.

Anne Loiret, conquise par ce texte, en livre une adaptation théâtrale des plus fidèles.

On retrouve les deux personnages, Mathilde, secrétaire aux prises avec un supérieur hiérarchique qui l’humilie, la déstabilise, et Thibault, médecin urgentiste, déboussolé par une histoire d’amour qui ne le satisfait pas.

Ces deux êtres vont livrer leur mal être, ces « heures souterraines » qui les minent et dont ils n’osent pas parler, au fil de deux monologues qui se croisent parfois.

Deux êtres blessés, un texte qui dit leur détresse avec une grande justesse, par petites touches précises et sensibles, une véritable descente aux enfers explorée minutieusement et avec délicatesse.

Dans le livre, le lecteur, seul face aux mots et à son imaginaire, est pris dans une atmosphère sombre, étouffante, une peinture sans concession de notre société.

Ce pourrait être terriblement démoralisant. Heureusement pour nous spectateurs, sans rien ôter à la puissance du récit, ici l’ambiance est différente.

Car il y a Anne Kessler, abandonnant pour l’occasion la Comédie Française, qui livre une mise en scène habile, dans un superbe décor signé Jean Haas. Il offre plusieurs espaces uniformément blancs qui se transformeront grâce aux vidéos très réalistes de Renaud Rubiano. Des images qui donnent vie au troisième personnage, Paris, cette ville tentaculaire et oppressante, stressante et anonyme où les individus se côtoient sans se voir.

Et surtout il y a deux comédiens extraordinaires, Anne Loiret et Thierry Frémont, qui parviennent à nous faire partager leur solitude, leur vie fracassée, leur détresse, leur enfermement, sans aucun pathos, sans effets superflus mais une sensibilité à fleur de peau, avec de temps en temps la voix qui se brise, le regard qui se perd.

Dommage qu’ils soient équipés de micros très dispensables vu la taille de la salle, dont le crachotement vient parfois casser le charme.

Mais l’essentiel est là, on est en complète empathie avec ces deux personnages, elle engluée dans un univers pervers qu’elle ne peut briser, lui dont les problèmes personnels ont cassé le vernis protecteur du médecin et qui reçoit de plein fouet le malheur, la détresse de ses patients, partagés « entre 60 % de rhino-pharyngites et 40 % de solitude ». Ceux qui appellent les urgences dans le seul espoir de rencontrer au moins une personne dans la journée à qui parler.

Alors on espère qu’ils vont enfin se rencontrer, s’aider, revivre l’un par l’autre.

Mais la vie n’est pas un roman et « les gens désespérés ne se rencontrent pas. Ou peut-être au cinéma. Dans la vraie vie, ils se croisent, s'effleurent, se percutent. Et souvent se repoussent, comme les pôles identiques de deux aimants ».

Nicole Bourbon

 

Les heures souterraines

D'après le roman de Delphine De Vigan, adapté par Anne Loiret.
Mise en scène Anne Kessler de la Comédie Française 

Avec : Thierry Frémont - Anne Loiret 

Scénographie Jean Haas
Son François Leymarie
Vidéo Renaud Rubiano

 

Mis en ligne le 27 mai 2015

Merci de cliquer sur J’aime