LES FAUSSES CONFIDENCES

Odéon – Théâtre de l'Europe
Place de l'Odéon
75006 Paris
01 44 85 40 40

Jusqu'au 23 mars 2014, puis en tournée :

Célestins – Théâtre de Lyon du 2 au 12 avril 2014
Théâtre de la Ville de Luxembourg 7 et 8  mai 2014
Théâtre National de Bretagne – Rennes du 14 au 23 mai 2014
Ruhrfestpiele-Recklinghausen du 30 mai au 1er juin 2014
Athens Festival du 11 au 14 juin 2014

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Mis en ligne le 8 février 2014

Les fausses confidences

 

Marivaux :

Dorante, jeune aristocrate ruiné, ne détient plus la carte maîtresse, c'est à dire la fortune, qui lui permettrait de demander ouvertement la main d'Araminte qu'il aime. D'autant plus que, veuve d'un riche bourgeois, Araminte a bien plus d'argent qu'il ne lui en faut. Elle se suffit à elle-même, vit dans une vaste demeure pouvant loger toute sa domesticité, est une femme indépendante, maîtresse de ses décisions et n'est pas du tout disposée à céder aux instances de sa mère, Madame Argante, qui veut à toutes forces lui faire épouser le comte Dorimont et ainsi faire d'une pierre deux coups : régler le différend juridique qui oppose celui-ci à sa fille en la mariant à cet aristocrate bon teint.

Heureusement pour Dorante, Dubois, son ancien valet est justement entré au service d'Araminte et se propose de le faire embaucher par elle comme intendant afin qu'il puisse se faire aimer d'elle, non pas en lui déclarant ingénument sa flamme, mais en accumulant de soi-disant preuves d'amour auxquelles aucune femme ne saurait être insensible. Pour ce faire, les deux compères vont mettre au point un savant jeu de « fausses confidences » censées révéler à l'insu de Dorante tout l'amour qu'il porte à Araminte qui, elle, est censée ne rien en savoir.

Luc Bondy :

Dans un décor bourgeois épuré, qui pourrait être contemporain, Araminte a au moins deux passions de plus que son inspiratrice du XVIIIème siècle : une impressionnante collection de chaussures de marque et la pratique du Tai-chi auquel elle s'adonne dès le début de la journée, peut-être pour mieux affronter l'adversité maternelle, peut-être parce que son statut de riche veuve permet à son corps et à son mental de mieux s'épanouir – ce que l'image finale de la mise en scène de Bondy semble confirmer a posteriori tant elle est antithétique avec la réunion de deux êtres amoureux, car bien sûr, Dorante, par ses « fausses confidences », parviendra à ses fins et gagnera le cœur, et la fortune, d'Araminte.

La mise en scène et la direction d'acteur de Luc Bondy sont un pur régal, et c'est avec un bonheur constant que le spectateur se laisser entraîner dans ce marivaudage revisité. Quiproquos, manipulations au nom de l'amour le plus pur, victimes collatérales (le comte Dorimont, personnage d'une grande élégance morale, ou encore la pauvre Marton, dont les sentiments sincères sont manipulés pour éveiller de la jalousie chez sa maîtresse) que ces « fausses confidences » ne manquent pas de faire dans l'indifférence la plus totale pour que, au bout du compte, l'aristocratie déplumée se refasse une santé pécuniaire sur le dos de la bourgeoisie montante incarnée par une femme de tête dont le point faible reste le cœur.

Bien sûr, Dorante finit par conquérir Araminte au détour d'une dernière confidence – vraie ou fausse, celle-là ? – qui le présente comme le plus honnête des hommes, lui qui, dès le début de la pièce, flanqué de son fidèle Dubois, fait la confidence au public – vraie ou fausse, celle-là aussi ? –  qu'il veut conquérir Araminte uniquement parce qu'il l'aime. 

Allez voir « Les Fausses Confidences » parce que Marivaux manie avec un art d'une simplicité et d'une subtilité inouïes les ficelles de la comédie de mœurs et du langage, un petit joyau qui scintille toujours autant dans cette mise en scène de Luc Bondy. Allez voir ces « Fausses Confidences », parce que c'est recevoir un spectacle qui s'impose par son évidence intrinsèque qu'il nous invite à partager. Le public est d'ailleurs aux premières loges, baignant dans une impression de proximité avec l'action et les comédiens, laquelle est accentuée par l'éclairage diffus qui semble intégrer les spectateurs à l'action qui se déroule sous leurs yeux, les rendre partie prenante de ces « fausses confidences ».

Et puis il y a les comédiens, bien sûr, tous excellents, ils s'amusent et nous amusent. Oui, il y a Isabelle Huppert, et oui, c'est trop rare de la voir au théâtre, et oui, elle nous emporte passionnément avec son Araminte sûre de sa position de force, peu encline à transiger sauf face au dépouillement de l'être. Et il y a aussi tous ses partenaires, Bulle Ogier, bien sûr, en mère bourrue et têtue qui pense voir clair dans le jeu de ce Dorante, et tous les autres comédiens qui portent ensemble la pièce dans une harmonie harlequine composée par les parcours de chacun, l'influence du cinéma pour les uns, une théâtralité plus présente pour d'autres, sensibilités qui se complètent en un chatoiement savoureux à la croisée d'un texte classique et de sa représentation contemporaine.

Philippe Loubat-Delranc

 

Les fausses confidences

de Marivaux
mise en scène : Luc Bondy

avec Jean-Damien Barbin, Manon Combes, Louis Garrel, Isabelle Huppert, Yves Jacques, Sylvain Levitte, Jean-Pierre Malo, Bulle Ogier, Bernard Verley et Georges Fatna, Arnaud Mattlinger

Décor : Johannes Schütz
Costumes : Moidele Bickel (avec le concours de la Maison Dior pour les costumes d'Isabelle Huppert)
Lumières : Dominique Bruguière
Musique originale : Martin Schütz
Maquillage/coiffures : Cécile Kretschmar