LES CHAISES

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
01 43 74 72 74

Jusqu’au 14 avril 2019
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

 

Les Chaises loupePhoto @ Regis-Durand De Girard

Les journaux empilés, les journaux arrangés dans le premier tiroir, les journaux remis sur la pile. Le rictus du vieux qui fait, défait pour tenter de remplir le vide, le tonneau des danaïdes. Tout est dit, le spectacle mis en scène par Bernard Levy commence à peine.

Est-ce un délire ? Un adieu préparé à leur existence ? Le vieux a un message à délivrer, les invités se pressent, les chaises s’accumulent, tous vont venir, le colonel, le premier amour, les jumeaux, tous. Ils font tomber une chaise, ils rient, ils savent qu’il n’y a personne. Là, Thierry Bosc et Emmanuelle Grangé sont à leur apogée. Le rire pour lutter contre la nature tragique de la vie. Sémiramis, la vieille, ne cesse de répéter au vieux : « Tu aurais pu être cela si tu avais eu plus d’ambition. » Est-ce le bilan d’une vie de petites gens ?

Les spectateurs ne voient pas deux personnages en fin de vie qui se remémorent des souvenirs. Ionesco va plus loin, derrière chaque phrase, nous ressentons l’abysse, le vide. Il faut avoir l’humilité de la durée limitée, nous sommes de passage, tout est construction mentale. Paris n’existe pas, la ville lumière n’a peut-être jamais existé. La direction de Bernard Levy et l’incarnation juste, sensible des deux comédiens font surgir toutes les subtilités, méandres du dramaturge. Son message est universel, ce n’est pas l’âge mais l’essence de l’existence que nous contemplons. Les icônes sont désincarnées, le colonel, le président, les journalistes. Ne cherchons-nous pas tous à laisser une trace, un message au monde ? Ils n’ont pas eu d’enfant, n’ont pas eu d’ambition. Est-ce que cela aurait suffi à rendre leur vie digne ?

Le salut vient du rire, du présent et de l’action même si elle est peut-être vaine. La vie est une tragédie, nous connaissons la fin mais que faire du moyen ? La scénographie illustre cette vacuité et l’enfermement, souligne le quatrième mur et ajoute de la distance avec le public. Ce choix ne gâche pas l’expérience mais l’atténue. Au moment du salut, une fois les comédiens sortis de cette boîte, nous ressentons la joie simple d’être près d’eux, avec eux.

Alexandra Diaz

 

Les Chaises

d’Eugène Ionesco, mise en scène Bernard Levy

Collaboration artistique Jean-Luc Vincent
Scénographie Alain Lagarde
Lumière Christian Pinaud
Création son Xavier Jacquot
Costumes Claudia Jenatsch
Maquillage/coiffure Agnès Gourin Fayn

Avec Thierry Bosc, Emmanuelle Grangé, Michel Fouquet

 

Mis en ligne le 14 avril 2019