LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY

Théâtre La Bruyère
5 rue La Bruyère
75009 Paris
01 48 74 76 99       

Jusqu’au 30 juin
du jeudi au samedi à 21h,
le samedi à 16h30 et le dimanche à 15h.
Relâche les 3 et 18 mai et les 14 et 15 juin.

 

Le Portrait de Dorian Gray loupe 

Ça, pour être rôdés, ils sont rôdés : c'est depuis 2016 que les comédiens (certains en alternance) jouent cette pièce tirée de l'unique roman d'Oscar Wilde. Avec Thomas Le Douarec aux manettes, on peut s'attendre à ce que l'exigence et la qualité soient au rendez-vous. Et c'est le cas.

La pièce ne fait pas (trop) adaptation : elle ménage des espaces différents, le rythme est soutenu et son côté éminemment littéraire ne se fait sentir (mais c'est bien normal) qu'au travers des aphorismes wildiens qu'Henry égrène tout au long du spectacle.

Soit, donc un jeune homme d'une grand beauté, qui "séduit" un peintre, Basil, lequel décide de faire son portrait. L'ambiguïté est présente dès le début, puisque le nommé Basil, fasciné par son modèle, refuse de le présenter à son vieil ami Lord Henry. Peine perdue , la rencontre a bel et bien lieu, une fois le tableau presque achevé et la philosophie d'Henry ne tarde pas à déteindre sur le jeune homme : en clair, profitez, vivez le présent, sans vous laisser entraver en permanence par le morale bourgeoise ou aristocratique... par la morale tout court.

On sait la suite : le tableau va vieillir, lui, tandis que Dorian conserve sa jeunesse et sa beauté qui trouble visiblement les femmes... et les hommes. Wilde, dans ses nouvelles, avait déjà fait des incursions dans le domaine du fantastique. Ici, la pièce est un mélange heureux de réflexions sur le temps, les amours, les amis, le "sens" de la vie... et d'une trame "signifiante".

La mise en scène, répétons-le, fonctionne bien : qu'on ne voie pas le tableau est une trouvaille bien venue. Les péripéties s'enchaînent logiquement et les acteurs sont tous à féliciter : Maxime de Tolédo est un Basil tonitruant dont la faiblesse majeure (Dorian) se fait jour peu à peu. Mickael Wimum campe un Dorian charmeur, mais doté d'un caractère qui s'affirme sur la durée, l'orientant vers un cynisme calqué sur celui de son mentor Henry. Henry, justement. Ce soir-là, Fabrice Scott lui prêtait sa distinction et son air blasé. Sa suffisance. Sa volupté à lâcher (comme on lance des scuds) des paradoxes tout wildiens (« Le seul charme du passé, c'est qu'il est passé », ou « Je peux résister à tout, sauf à la tentation. »)

On savoure donc le brillant du propos... on sent même, parfois, un frémissement faussement outré chez certains spectateurs. Peu importe : avec son déroulement implacable, qu'on connaît, mais que l'on revisite avec délectation, cette adaptation devrait encore, cette fois au théâtre la Bruyère, poursuivre sa marche méritée vers le succcès.

Gérard Noël

 

Le Portrait de Dorian Gray

d'après Oscar Wilde. Adaptation et mise en scène : Thomas Le Douarec

Avec : Mickael Winum, Valentin de Carbonnières, Fabrice Scott, Maxime de Tolédo, Gilles Nicoleau, Caroline Dewismes, Solenn Mariani et Thomas Le Douarec.

Mis en ligne le 14 avril 2019