LE PARIS DES FEMMES 2016

Théâtre des Mathurins
36 rue des Mathurins
75008 PARIS
Tel : 01 42 65 90 00

Du vendredi 8 au dimanche 10 janvier 2016

 

Le Paris des femmes loupe 

C’est la cinquième édition de cet événement créé en 2012 et toujours organisé par Michèle Fitoussi, Véronique Olmi et Anne Rotenberg, les initiatrices de ce projet.

Une fête qui s’est déroulée sur trois jours le weekend dernier. Une manifestation théâtrale originale puisqu’elle présente à chaque nouvelle édition neuf textes inédits. Trois par soirées. Chaque soirée étant dirigée par un metteur en scène différent qui, pour cette représentation unique, met en espace les trois courtes pièces qui lui sont confiées (il s’agit de textes courts ne dépassant pas 30 minutes chacun).

Ces textes sont des commandes passées à des auteures – et c’est aussi là l’identité du Paris de femmes – qui ont écrit durant l’année 2015 leurs opus sur le thème : « Crimes et Châtiments » (au pluriel).

Salle des Mathurins comble pour cette représentation du samedi 9 janvier – mais il en a été de même la veille et le lendemain. Au menu ce soir-là : Ismène de Carole Fréchette, monologue interprété par Christine Vézinet-Combecque, Remonter la dune de Claudine Gallay avec Pascal Greggory et Thibault de Montalembert et enfin, Le temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout de Stéphanie Blanchoud dit par Marie-Sophie Ferdane. Trois textes d’une demi-heure mis en espace par Xavier Gallais.

Sur le plateau seulement quelques accessoires : une table, des chaises, un banc.

La part belle est ici faite aux comédiennes et comédiens et aux textes.

Dans ce genre de parcours imposé – un thème, une durée – on est surpris par la diversité des inspirations des auteures et de la compréhension du sujet – un peu comme aux épreuves d’un concours étudiant.

Carole Fréchette a eu l’idée passionnante de diriger les projecteurs sur Ismène, la sœur d’Antigone, fille maudite d’Œdipe et de Jocaste, elle qui ne fut pas élevée dans notre culture au rang d’Héroïne mais qui voulut pourtant partager la culpabilité de sa sœur – souhait qui lui fut refusé. Elle est là ce soir pour nous raconter, dans une fausse forme de conférence, comment et pourquoi elle s’est ainsi accusée d’un crime qu’elle n’a pas commis. Un texte bien écrit, rond, malin mais l’interprétation et la construction d’un personnage par trop plaintif et suppliant fait perdre une partie de la virulence et de la colère inscrites dans les mots du monologue.

La deuxième lecture se fait à deux personnages : Remonter la dune raconte la démission volontaire d’un super cadre venu s’enterrer dans une bicoque face à l’océan, au bord d’une dune en écroulement.  Un de ses collègues et ami lui fait visite. Celui-ci finit par avouer, dans ce face à face, la vanité de sa vie et de ses choix : argent contre vraie vie. Un dialogue qui s’ensable lui aussi et sombre dans la discussion de salon un peu généraliste et peu personnelle. Les tentatives de ruptures – sorties de scènes, interruptions – faites par le metteur en scène Xavier Gallais, ne parviennent pas à rythmer un texte un peu à côté du sujet.

Le troisième texte, lui, prend à la lettre la thématique imposée. Une histoire racontée par la fille d’une meurtrière incarcérée après avoir descendu l’homme qui la battait. Un très beau texte écrit dans un réalisme frissonnant d’émotion. Dont la construction permet de découvrir peu à peu toute l’étendue du drame. Interprété de façon extrêmement sensible et sincère par Marie-Sophie Ferdane.

À ces lectures, il faut ajouter un « fil rouge » écrit par Christian Siméon : une courte pièce mis en scène chaque soir par un metteur en scène différent. Un monologue interprété ce soir-là par Marilù Marini, explosive et rouée, magnifique interprète d’une histoire cousue à la perfection : dérisoire et tragique, drôle et surprenante, un petit bijou d’absurde qui ne manque pas d’égratigner au passage, et les humains et les condamnations religieuses qui gâchent leurs vies. Son titre donne l’esprit de la chose, faite toute en fausses pistes et ironie : Crouchinades, la confession d’un cordon-bleu.

Rendez-vous pour la sixième édition du Paris des femmes, le second week-end de 2017…

Les dix textes sont disponibles dans la collection « Les quatre vents » de l’Avant-scène Théâtre sous le titre : « Crimes et Châtiments »

Bruno Fougniès

 

Mis en ligne le 11 janvier 2016