LE DÉNI D’ANNA

Au Lucernaire 
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris.
 01 45 44 57 34

Jusqu’au 14 mai
du mardi au samedi à 21h00 et dimanche à 19h00

 

Le Déni d’Anna loupe 

Première chose : Anna n’est pas dans le déni, non, ce sont ses proches qui refusent sa mort (d’un cancer). Au commencement, donc, une famille ordinaire : un père prévenant, quoiqu’un peu stressé, une fille et un fils et… dans une autre chambre, la mère qui se meurt. Au matin, le père, très agité, vient réveiller ses enfants : C’est fini, dit-il. Et il les reborde dans leurs lits, tout en leur disant de se lever. La belle-mère (mère d’Anna) est là aussi. Bouleversée. Plein d’allant, le père se renseigne sur une possibilité de crémation, sollicitant l’avis du frère d’Anna et de sa mère. Quelqu’un disait qu’on n’écrit jamais mieux pour les comédiens que quand on l’est soi-même : c’est le cas pour l’auteure (également metteuse en scène) Isabelle Jeanbrau. Elle n’a pas choisi la facilité : elle s’empare d’un sujet périlleux et le traite avec une drôlerie qui emporte tout, bien servie en cela par les comédiens… et surtout Benjamin Egner, qui porte la pièce sur ses épaules.

Les enfants grandissent, le temps passe, le père, avec sa nouvelle compagne (qui restera invisible) s’installe à la campagne. S’ensuit une scène assez longue, intéressante car elle montre des enfants prenant leur « envol », mais un peu répétitive sur la nourriture. Une piste, mal exploitée, suggère la « présence » d’Anna… qui se manifesterait chez la fille et la belle-mère.

Patience, car le meilleur est à venir : on retourne au « vif » du sujet, Anna. Le père continue à être à côté de la plaque, quand les enfants lui demandent clairement (vingt ans ont passé !) de leur remettre l’urne de leur mère, qu’ils souhaiteraient enterrer dignement. Les dialogues s’emballent, on nage dans l’absurde et l’incongru. Depuis le début, les scènes sont rythmées par deux musiciens excellents (Daniel Jea et, ce soir-là, France Cartigny). Tout passe. L’auteur a la grâce et trouve son chemin entre Dubillard et Sébastien Thiéry, avec un ton qui n’appartient qu’à elle. On guette, on sursaute… on n’est jamais déçu. La scène du cimetière, par sa finesse et sa vérité, est mémorable.

En bref, éclairages soignés, comme la musique, mise en scène judicieuse et interprétation sans faille. Que du bon !

Gérard Noël

 

Le Déni d’Anna

De et mise en scène : Isabelle Jeanbrau.
Musique composée et interprétée à la guitare par Daniel Jea.

Avec : Benjamin Egner, Matthias Guallarano, Karine Huguenin ou Sandra Parra, Cécile Magnet et Thibaut Wacksmann.
Et à la batterie France Cartigny ou Bertrand Noël ou Maxime Aubry.

 

Mis en ligne le 20 mars 2017