LA PEUR

Théâtre Michel
38, rue des Mathurins 
75008 Paris
01. 42. 65. 35. 02

Prolongations jusqu’au 28 février
Du jeudi au dimanche 19h00

 

La Peur loupe Photo © Olivier Brajon

Si l’on retrouve dans cette nouvelle écrite en 1913 tout le génie observateur de Stefan Zweig sur le comportement humain, il a fallu à Élodie Menant un talent d’écriture très pointu et une certaine aptitude à décortiquer les ravages, les complexités et les failles de ce couple pour qu’elle adapte de manière aussi brillante et riche d’émotions ce très beau texte.

L’histoire en surface est presque banale. Irène, femme de la bonne société et mère au foyer trompe son avocat de mari avec un pianiste, sans doute plus par ennui que par réel besoin. Un soir, une femme qui se prétend être la petite amie de son amant, l’interpelle et lui réclame de l’argent en échange de son silence. Un chantage de la peur qui va l’entraîner dans un engrenage de mensonges.

Sur le fond c’est une véritable dissection chirurgicale d’un couple qui se noie dans son incapacité à se comprendre et à communiquer, une vision très précise de sa déchéance inéluctable. Seul le mensonge obstiné d’Irène comme unique recours sans retour possible en arrière, recule sa peur de blesser son mari, sa peur de mettre en péril une vie rassurante, sa peur de tout faire voler en éclats, sa peur d’affronter un mari qui sait déjà.

L’auteure qui est aussi la metteuse en scène a eu la brillante idée de transposer cette histoire dans les années cinquante sur fond de rock’n’roll dans un décor très mouvant, véritable quatrième acteur de cette comédie dramatique. L’esthétique y est particulièrement soignée avec des objets vintage du meilleur goût qui sentent bon le formica et la vieille radio à piles et qui donne un style cinématographique très agréable. Le spectateur est ainsi placé dans le rôle du voyeur, témoin très présent de ce suspense angoissant qui navigue entre mensonge et manipulation jusqu’au dénouement final qui ne sera bien sûr pas celui que l’on pouvait imaginer durant tout ce déroutant tourbillon.

Les comédiens sont d’une justesse à couper le souffle et vous happent dès la première minute dans leur chute émotionnelle. Leur jeu est particulièrement fort et précis avec un talent très proche de la perfection sur la vague du faux semblant. Un coup de cœur particulier pour Hélène Degy (Irène) qui interprète son personnage de femme rongée par la peur, le désarroi et la détresse d’une manière éblouissante et tout à fait remarquable ce qui, je l’espère pour cette magnifique comédienne, lui apportera un Molière plus que mérité. Courez voir cette pièce qui sera vite un succès car vous allez adorer ressentir cette peur.

Patrick Rouet

 

La Peur

D’après la nouvelle de Stefan Zweig
Adaptation et mise en scène : Élodie Menant.

Avec : Hélène Degy, Aliocha Itovich, Ophélie Marsaud.

Décor : Olivier Defrocourt.
Costumes : Cécile Choumiloff.
Lumières : Olivier Drouot.

 

Mis en ligne le 14 octobre 2016
Actualisé le 2 janvier 2017