LA DERNIÈRE BANDE

Théâtre de l'Oeuvre
55, rue de Clichy
75009 PARIS
Tél : 01 44 53 88 88
Du mardi au samedi à 21h00
Le dimanche à 16h

 


Photo : Dunnara MEAS

Cette œuvre de Beckett exige un comédien d'envergure, capable de captiver son public sans pratiquement parler, de l'emporter dans une histoire d'une vacuité vertigineuse.

Serge Merlin est de cette trempe et il compose un Krapp magnifique, étonnant, agaçant, touchant, tel que l'avait certainement rêvé l'auteur. Il est aidé en cela par la mise en scène d'Alain Françon, d'une simplicité maîtrisée, où le moindre geste ou déplacement est soigneusement étudié, laissant pleinement sa place aux mots.

Ajoutons un décor composé d'un unique bureau à tiroir et une lumière crépusculaire.

Le tout conjugué donne un spectacle fort, admirable, laissant toute sa place à l'essentiel, cette question qu'on se pose tous : qu'a-t-on fait finalement de notre vie ? Qu'en reste-t-il les années passant ?

Car nous voyons là un vieil homme écoutant sur un magnétophone les enregistrements qu'il a faits tous les ans et où il racontait les évènements marquant de l'année écoulée.

Il se replonge ainsi dans son passé, se revoit trente ans auparavant :

« Viens d'écouter ce pauvre petit crétin pour qui je me prenais il y a trente ans, difficile de croire que j'aie jamais été con à ce point-là. »

Le personnage n'est pas comme c'est normalement habituel quelqu'un qui parle mais celui qui écoute.

De temps en temps il commente, se révolte, se moque, dans un dialogue parfois drolatique parfois tendu avec lui-même, le Krapp d'hier et celui d'aujourd'hui s'affrontant à coups de souvenirs.

Serge Merlin se coule avec talent dans la peau de Krapp.

Il faut le voir, cheveux hirsutes, enveloppé dans son informe robe de chambre, arpentant la scène de ses pieds nus, à petits pas, allant, venant, partant en coulisses boire ou chercher divers objets, prostré, énervé, moqueur, parlant de « cette voix fêlée si particulière » que décrivait Beckett, vibrante quand il est jeune, étouffée ensuite, avec ses mains qui volent comme des oiseaux blessés.

Une vie s'écoule devant nous, jouant la douce mélodie des moments heureux mais aussi la musique amère du bonheur qu'on a peut-être laissé passer.

Le rideau tombe puis se relève.

Serge Merlin revient saluer ou est-ce encore Krapp ? On ne sait plus.

Peu à peu, au fil des rappels, l'acteur apparaît sous le personnage, il sourit, heureux, nous fait un dernier geste de la main puis repart à petits pas vers les coulisses.

Demain, et encore bien d'autres jours,  Krapp renaîtra pour emmener le spectateur vers ces contrées mystérieuses où l'âme se révèle.

 

Nicole Bourbon

 

 

La dernière bande

De Samuel Beckett

Avec : Serge Merlin

Mise en scène : Alain Françon
Assisté de Nicolas Doutey
Scénographie et costumes: Jacques Gabel
Lumière : Joël Hourbeigt
Son : Daniel Deshays

 

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