L'URUGUAYEN

Théâtre du Petit Hébertot
78bis Boulevard des Batignolles
75 017 Paris
01 42 93 13 04
 Du mercredi au samedi 21h30

 

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C'est une lettre. Une lettre à un certain « Maestro ! » qui réside quelque part. Une lettre qui s'échafaude jour après jour sur plusieurs années. Le personnage qui apparaît dans son tropical costume blanc, teint livide, angles pointus, voix nasillarde, postiche de nez est presque cauchemardesque. Perruqué, sec et vaguement désagréable il s'adresse à ce Maître, destinataire de cette longue et improbable lettre. C'est une sorte de travesti sans âge, de transsexuel fabriqué de bric et de broc, aux gestes et aux intonations mécaniques. Et son discours est lui-même une sorte de confus appel, ironique et provocateur vis-à-vis de ce mystérieux destinataire. Est-ce Dieu ? Est-ce un terrible censeur ? Est-ce une autorité implacable dont se moque abondamment notre personnage ?

Il est accompagné d'un chien, un faux chien, lui-même mécanique pelucheuse, un automate dont il choisit les mouvements grâce à une télécommande. Son compagnon de voyage. Car c'est un voyage en Uruguay qu'il raconte dans cette longue et persifleuse lettre.

Oui, un récit de voyage comme la littérature en a produit les siècles derniers. L'œil neuf d'un voyageur découvre les mœurs et coutumes d'un pays étranger, et on le voit peu à peu s'insérer dans les mailles inconnues du tissu social de ce pays. Lui, l'étranger.

Mais vous n'apprendrez rien de l'Uruguay sinon le nom de sa capitale Montevideo. Rien de réaliste dans le texte de Copi. Juste une fulgurance de l'esprit qui transperce l'apparence et fait éclater une liberté de ton, d'esprit et d'invention rare, trop rare. Rien d'impossible à qui possède un appétit de vivre insatiable.

Et pourtant rien de gratuit : visions, oui, déflagrations et irrespect, imaginaire en lutte mot après mot contre l'atroce et stupide réalité. Rien ne semble interdit à ce cuisant personnage qui semble une marionnette de chair a qui l'on a greffé une sorte de conscience fataliste et curieuse, qui ne sait ni trop quoi attendre de la vie, ni ce que sont au fond les choses et les êtres qui l'entourent et qui ne s'étonne ni de la violence humaine, ni de la mort, ni de la résurrection, ni des désirs les plus troubles qui peuvent lui venir à la bouche. Ne va-t-il pas jusqu'à faire soudain des miracles ?

Et les thèmes chers à Copi se retrouvent transcendés par la liberté du verbe : la mort, le sexe, le désir, le cri, la révolte face à toutes les barrières sociales et la bonne morale. Tout ça dans une jubilation hors normes.

Claire Ruppli incarne avec conviction ce personnage presque inhumain. Elle lui a inventé, sous l'œil exercé de Roberto Platé, une gestuelle saccadée et une diction presque métallique qui rendent encore plus visible l'aspect hétéroclite et rafistolé de ce personnage au sexe indéterminable mais qui est une sorte de Copi recomposé. Elle évolue autour d'un phallus démesuré créé par Roberto Platé, devant un écran où sont projetés les pages du roman en espagnol. Et l'on se retrouve nous aussi dans la position de l'étranger devant quelque chose d'inconnu et d'indéchiffrable.

La mise en scène de Roberto Platé est sobre et efficace, mais un peu trop répétitive. Peut-être est-ce voulu pour rendre compte de la répétition ennuyeuse des jours qui passent un à un pour finalement arriver à coudre une histoire.

Une drôle d'histoire qui reste longtemps à l'esprit.

 

Bruno Fougniès

 

 

L'Uruguayen

Texte de Copi
Mise en scène, scénographie et costumes Roberto Platé
Musique Ruben de Leon
Lumières Jacques Rouveyrollis

Avec Claire Ruppli