JE SUIS DON QUIJOTE DE LA MANCHA

Théâtre de l'Opprimé
78/80 rue du Charolais
75012 Paris
01 43 40 44 44

Jusqu’au 13 novembre 2016
du mercredi au samedi à 20h30
dimanche à 17h00

 

Je suis Don Quijote de la Mancha loupe 

Beaucoup ont tenté de porter Don Quichotte à la scène ou à l’écran. De nombreux projets sont mort-nés à cause de l’impossible défi de réduire cette œuvre gigantesque à la taille de spectacle. Certains ont juste profité du mythe pour nourrir leur mégalomanie (en faisant rougir Cervantès dans son paradis des visionnaires), pitoyables plagiaires s’habillant du costume du plus célèbre hidalgo pour briller sans rien comprendre à la beauté, la vérité de ce personnage.

C’est une réalité mathématique qu’il n’est pas possible de jouer les mille cinq cents pages de ses aventures en un spectacle d’une heure trente… mais faire apparaître l’âme du personnage, sa quête, sa philosophie, sa folie et son enseignement, voilà ce à quoi parvient presque de façon magique ce spectacle.

Il y a dans « Je suis Don Quijote de la Mancha » une double volonté : d’abord celle de réduire en cendre l’image d’Épinal du vieillard squelettique chevauchant une rosse, lance à la main, plat à barbe sur la tête, suivi de Sancho Pança, bedonnant serviteur juché sur sa mule.  Icône poussiéreuse qui ne dit que le ridicule du couple de personnages. Ici, dès le début de la pièce, le svelte comédien appelé à jouer le rôle de Sancho Pança affirme qu’à aucun moment dans le texte de Cervantes il n’est dit que Sancho est rondouillard. Un détail essentiel qui dit que tout le monde peut être Sancho Pança. Et tout le monde peut être Don Quijote, ce héros.

L’autre volonté est de donner à entendre, à voir et à rêver la profonde guerre contre l’injustice que mène le héros, ainsi que son inaltérable foi en son combat que rien ne peut arrêter : ni les moqueries, ni les coups, ni les apparences. Le message est clair : il faut croire sans jamais faiblir à son idéal.

On assiste à la fois à une démystification de l’image surannée du Chevalier à la Triste Figure et à une célébration du mythe : un mythe cette fois rendu à son humanité. Un mythe qui soudain devient contemporain, dont les propos font écho à notre époque, nous touchent individuellement et socialement.

L’intelligent texte de José Ramon Fernandez ne tente pas de nous faire vivre la multitude des aventures épiques du roman, il s’attache principalement à tenter de mettre au monde le lien de plus en plus puissant qui lie Don Quijote et Sancho Pança. Il met en lumière toute l’humanité de ces deux personnages. Il révèle également, en développant un troisième personnage, la fille de Sancho, la force de la transmission des idées, des rêves, des idéaux. C’est elle, jeune femme d’une vingtaine d’années, qui finit le spectacle et qui endosse à ce moment la quête superbe et folle du héros.

La mise en scène et le jeu, une scénographie faite d’accessoires et de quelques projections vidéo, tout cela tend à rendre ce spectacle terriblement actuel. Pas de mystification non plus de ce côté-là. Quelques éléments de décors et des effets sonores rendent compte de l’aridité de la Mancha, de la dureté de la vie sans vouloir imposer l’illusion. De même le jeu des comédiens, investi dans les scènes de dialogue ou d’action entre les personnages, se détache par moments pour se ressourcer au présent dans des adresses directes au public.

C’est la tête dans l’imaginaire et les pieds dans la réalité que se joue ce théâtre, à l’aune du personnage de Cervantès lui-même symbole de cette passerelle entre les mondes. Un personnage qui, cinq cents ans après sa conception, a essaimé partout sur la planète, dans chaque esprit capable d’une part d’enfance, les graines de justice, de révolte et de don. C’est dit : nous sommes tous des Don Quijote de la Mancha.

Bruno Fougniès


Je suis Don Quijote de la Mancha

De José Ramon Fernandez et Miguel de Cervantès
Traduction André Delmas
Mise en scène Benoît Félix Lombard
Lumière Yannick Poli

Avec Rui Frati, Antonia Hayward, Delphine Dey, Raphaël Fournier, Maria Teresa Ferreira, Raphaël Barani

 

Mis en ligne le 6 novembre 2016