COLLABORATION

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène
75008 Paris
01 42 65 07 09
Du mardi au samedi à 20h30, samedi et dimanche 17h00

Richard Strauss. Stefan Zweig.
Michel Aumont. Didier Sandre.
Quatre grands noms.

Ajoutez-y Christiane Cohendy, grande dame de théâtre (1985 Prix de la meilleure actrice au printemps du théâtre de Paris, 1995 Prix du Syndicat de la Critique, meilleure comédienne pour Décadence, 1996 Molière de la comédienne pour Décadence, 2009 Nomination pour le Molière de la comédienne dans un second rôle pour Equus), l'auteur Ronald Harwood (L'habilleur, À torts ou à raisons, Le pianiste), le metteur en scène Georges Werler (Le roi se meurt avec Michel Bouquet) et vous avez une distribution exceptionnelle.

Le résultat est à la hauteur des attentes.

Le mot Collaboration nous fait bien sûr immédiatement penser à la seconde guerre mondiale.

C'est bien de cela qu'il s'agit mais avec le double sens de collaboration avec le système nazi et aussi la courte collaboration qui exista entre Zweig et Strauss sur la création de l'opéra La femme silencieuse, leur unique ouvrage commun.

Au-delà de l'histoire personnelle entre ces deux grands hommes, c'est toute une époque qui est retracée chronologiquement, de 1931 à 1948. On y assiste à la montée du nazisme jusqu'aux procès en dénazification, on y voit l'opposition entre ces deux êtres si différents mais unis par le talent.

Michel Aumont est un Strauss exubérant, entièrement possédé par la musique, parfois naïf parfois emporté.

Didier Sandre campe un Zweig torturé, angoissé dans un jeu tout en finesse et délicatesse.

Christiane Cohendy incarne avec l'énergie qui convient l'épouse de Strauss, forte femme, véritable pilier sur lequel s'appuie le compositeur, capable de nous faire rire et de nous émouvoir d'un seul geste, d'une simple mimique. Les autres comédiens sont à la hauteur, excellents dans des rôles pas faciles, pas écrasés du tout par les « grands monstres » auxquels ils donnent la réplique. Éric Verdin incarne avec conviction un officier nazi, magnifique dans ses confrontations avec Strauss, doucereux puis violent. Stéphanie Pasquet arrive à donner consistance au personnage effacé de Lotte, l'épouse de Zweig, qui le suivra dans la mort.

Strauss, entièrement dévoré par ce désir de composer qui est toute sa vie, et victime aussi d'un odieux chantage (sa belle-fille était juive), pactisera avec l'ennemi, écrivant des hymnes sur ordre.

Zweig, déchiré, incapable d'accepter un monde déshumanisé où l'art est bafoué, fuira et finira par se suicider.

Qui était traître ? Celui qui est resté ?

« Qu'auriez-vous fait à ma place ? Mes motivations n'étaient peut-être pas pures mais elles étaient humaines » dit Strauss dans la bouleversante scène finale.

Ou celui qui a choisi de fuir ?

La question reste posée, qui restera toujours sans réponse : qu'aurions-nous fait à leur place ?

 

Nicole Bourbon

 

 

Collaboration

de Ronald Harwood
Mise en scène : Georges Werler

Avec : Michel Aumont, Didier Sandre, Christiane Cohendy, Stéphanie Pasquet, Patrick Payet, Sébastien Rognoni, Éric Verdin

Réalisation costumes : Pascale Bordet
Décors : Agostino Pace
Lumière : Jacques Puisais

 

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