CANCRELAT

Théâtre Ouvert
4 bis cité Véron
75018 PARIS
Jusqu’ au 4 février 2012
01 42 55 74 40
Du lundi au samedi à 20h.

Le théâtre britannique est décidément un vivier de talents : Sarah Kane, Martin Crimp, Edward Bond et d’autres. Et, à présent Sam Holcroft, 28 ans. Elle a écrit depuis 2006 une dizaine de pièces.

Celle qui nous occupe s’appelle en anglais « Cockroach » (cancrelat). Nous sommes dans un pays qui ressemble fort à Angleterre, vu les uniformes qu’arborent les élèves,  au cours d’une « étude » surveillée par Beth, jeune professeur. Deux garçons et trois filles complètent la distribution. Passons sur la présence d’un personnage qui, comme son nom l’indique, lit les didascalies : cet artifice ne paraît pas, au début, se justifier et puis il crée, malgré tout, une approche double : sensible avec le jeu des comédiens et en retenue avec les indications de réactions et de déplacement des personnages.

Chamailleries, refus d’obtempérer, bris de portes, appels répétés par l’enseignante au poste des surveillants, … le quotidien de ce collège nous est restitué sans pathos, avec juste ce qu’il faut d’efficacité. Pour les filles, il y a Mmoma, d’origine malgache, Léah, rebelle et folle amoureuse de son mauvais sujet de Lee et Danielle, qui a des problèmes familiaux (avec son beau-père ?) et qui ne veut surtout pas rentrer chez elle. Pour les garçons,  Davey, qui drague lourdement Danielle et Lee, le violent, déjà presque adulte. Il s’engagera dans l’armée, d’ailleurs, à la fin de la pièce.

En contrepoint à cet univers de jeunes travaillés par le désir et la sexualité, l’enseignante fait réviser le cycle menstruel, la reproduction et l’hérédité.  Et c’est là qu’intervient l’exemple des cancrelats, comme population qui survivra car elle est capable de s’adapter, de muter. Et puis, deuxième ou troisième niveau, c’est la guerre qui fait irruption dans l’établissement puis dans la classe. Il ne s’agit, au début, que de nettoyer des uniformes de militaires tués au combat. Mais c’est bien sûr davantage : les garçons s’y voient ou non, les filles, elles, rêvent sur les soldats. En trouver un comme confident, comme amoureux, … ou bien devenir l’un d’eux (pour Danielle) afin de tout régler.. On ne saurait négliger le rôle de la prof (fort bien jouée par Kim Biscaino) Elle est à la fois l’autorité et la fracture. Dans cette pièce sans homme, elle se bat, elle aussi : pour transmettre son enseignement, assurer sa descendance, peut-être survivre tout simplement.  

On peut évoquer Bond (le côté pièce de guerre) ou Franck Wedekind et son « Eveil du printemps » mais cette pièce d’une jeune auteure, forte d’un bout à l’autre, se passe aisément de références. Elle est là, bien vivante et sa longueur (deux heures) ménage des instants de calme, des répétitions et des rituels comme dans la vraie vie. Elle va son chemin, dans un lent crescendo qui nous vaut quelques scènes choc et des images qui restent (deux filles, déguisées en soldats, qui jouent la mort de l’un d’eux) La mise en scène de Jean-Pierre. Vincent fuit les effets et le tape à l’œil pour la justesse. Les jeunes comédiens sont tous très bien : ils sont encore à ce point fragile où ils ont été formés, commencent à travailler mais gardent, (n’ayant pas trop de métier) un plaisir de jouer au plus proche de ce qu’ils sont.

On se dit, en sortant, que l’on ne regardera plus de la même façon une salle de classe !

 

    Gérard NOEL 

 

 

Cancrelat deSam Holcroft
Avec : Suzanne Aubert, Daphné Biiga-Nwanak, Kim Biscaino, Sébastien Chassagne, Chloé Chaudoye, Julien Frégé, Sophie Magnaud Mise en scène : Jean-Pierre Vincent