ARRIBA EL ALTO

Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris
01 48 08 39 74

Dimanche 16 avril 14h00, 15h30, 17h00

Théâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais
75012 PARIS
01 43 40 44 44

Jeudi 20, Vendred 21i, Samedi 22 avril à 20h30

 

Arriba El Alto loupe 

C’est une troupe bolivienne. Elle est née dans une cité satellite de La Paz : El Alto. Un quartier de la ville qui domine la Paz et est en passe de devenir en quelques années la deuxième cité du pays, tant les gens de toutes conditions viennent s’y installer, surtout les pauvres. On y trouve un air vif à plus de 4000 mètres d’altitude et aussi beaucoup d’enfants de rues. C’est ainsi que le Teatro Trono a vu le jour. Avec la volonté de s’occuper de ces enfants des rues, de leur apporter, grâce au théâtre, un peu de culture, un peu d’espoir, une fierté et une joie de vivre, autre chose que les dangers de toutes sortes qui les guettent.

Le Teatro Trono présente pour la première fois en France, trois spectacles. Celui que j’ai vu samedi au Théâtre de Verre est d’une force rare et magnifique. Tout y est déroutant et pourtant tout y est familier car Arriba el Alto raconte une histoire simple, populaire, qui n’a pas de frontière ni de langue ni de culture, une histoire d’amour universelle entre deux petits êtres du quotidien. Il s’appelle Angel (Ange) et elle, Victoria (Victoire). Ils se rencontrent à l’âge de huit ans et grandissent au rythme de leur amour réciproque dans une société qui finit par les confiner dans deux camps opposés : celui des révoltés contre celui de l’ordre. Des héros des rues d’El Alto comme ils pourraient être des banlieues de Bombay, de Kinshasa, de Paris.

Ce spectacle est une suite de petits joyaux féériques. Avec le plaisir que l’on goute quand on raconte une histoire en ruisselant du bonheur de raconter cette histoire. Les épisodes se succèdent dans un fourmillement de personnages tous puisés dans le peuple riche et bouillonnant de cette ville. Des scènes de vie presque ordinaires mais représentées avec une richesse gestuelle, évocatrice, démonstrative qui fait penser à d’autres théâtres latins faits de la même vitalité, du même rire, de la même insolence telle la Commedia dell Arte. Mais il fait aussi penser aux théâtres de masque traditionnels indiens, indonésiens, car c’est portant des masques aux visages déments, multicolores, incarnations d’êtres surnaturels, et des costumes comme autant de feux d’artifices que la troupe se présente tout d’abord. Arborant ces costumes d’un théâtre antique, rythmant leurs danses par des percussions aussi entraînantes que des batucadas brésiliennes, ils enjambent d’un coup l’espace-temps entre l’histoire culturelle de la Bolivie et les drames et les combats contemporains.

Car le Teatro Trono est un théâtre politique. Le contexte dans lequel se déroule l’histoire d’amour de ces jeunes héros est une révolte du peuple bolivien au début dans années 2000, avec les manifestations et les répressions habituelles, contre le gouvernement s’apprêtant à céder les droits de l’alimentation en gaz du pays à des lobbyistes chiliens. D’un coup, ce théâtre du rire et de la fierté humaine tourne au tragique le plus touchant.

Il faut réellement saluer cette troupe et venir prendre ce cadeau qu’elle nous offre avec ces pièces qui racontent sans mièvrerie, sans facilité les vies simples et merveilleuses avec un talent exceptionnel de tous ses interprètes. Un théâtre qui parvient à utiliser le burlesque au service de personnages du peuple pour toucher au sacré. Un théâtre d’image qui traverse les différences linguistiques pour inventer un langage universel. Car ici, le sur-titrage n’est pas à craindre. Le jeu de ces comédiens est explicite, universel et si bien assumé que toute la pièce se comprend aussi clairement que la plus rayonnante des vérités.

Bruno Fougniès

 

Arriba El Alto loupe 

Arriba El Alto

Création collective du Teatro Trono

 

Mis en ligne le 12 avril 2017